Évasion - L'Éthiopie : terre de volcans, torrent d'émotions

L’Éthiopie a un sacré caractère. Belle, accueillante. Hostile, parfois. Volcanique, surtout, lorsqu’on arpente le nord-est du pays. Dans ce territoire qui ne ressemble à aucun autre, l’un des plus inaccessibles et inhospitaliers de la planète, se dressent deux monuments, façonnés par les tiraillements antagonistes des plaques africaine et arabique. Les deux plus célèbres volcans de l’Éthiopie - qui sont aussi les moins connus : jusqu’en 2001, il était interdit de se rendre dans la vallée du Rift, sur les pentes de l’Erta Ale, où au cœur du Dallol.

Depuis, les deux formations volcaniques, séparées de 280 kilomètres, se dévoilent. Et offrent un spectacle inédit. L’Erta Ale et son lac de lave rouge et jaune continu, qui glougloute à n’en plus finir. Le Dallol et son paysage lunaire, dont les couleurs n’ont rien à envier aux aquarelles de Paul Klee. Des merveilles de la nature aussi phénoménales qu’inamicales, dont la découverte exige quelques précautions : elles se trouvent en pays Afar, à quelques encablures de l’Erythrée. Interdit d’y faire du hors-piste, l’accès aux volcans se fait sous escorte militaire, de jour et en groupe. Dans cet endroit, le plus chaud de la planète, il faut se protéger de tout, même s’il n’y a rien, ou si peu.

L’Éthiopie regorge de panoramas d’exception et de trésors culturels plurimillénaires. Ses volcans sont à ranger dans les deux catégories, sans distinction aucune.

Erta Ale, le flot de lave continu

Voir l’Erta Ale, ça se mérite. Deux cents kilomètres de route, quarante de piste dans le désert, douze sur de la pierre volcanique. Une négociation ardue avec le chef du village de Kurswad pour accéder au pied de l’ascension. Et quatre heures de grimpette sur les pentes du volcan, qui, vu de loin, crache une douce fumée blanche. À mesure que l’on s’en approche, le volcan - qui signifie montagne fumante - devient plus menaçant. La fumée devient rougeâtre. Le paysage désertique. À chaque pas, le silence est rompu par le craquellement de la pierre magmatique. Le chemin semble interminable jusqu’au bord du cratère. Jusqu’à se retrouver face à un spectacle… de feu. Le calme laisse place à la fureur. Celle de la lave, qui coule, juste là, en contrebas, à toute vitesse. Telle une rivière déchaînée. L’Erta Ale est l’un des seuls volcans au monde qui permet de voir d’aussi près une éruption continue. Un flot de lave, qui évolue seconde après seconde. Une explosion par ci, un bloc de lave qui se détache par là, le cratère est captivant. Le moindre bruit fait sursauter. On en oublierait presque les règles élémentaires de sécurité : ne pas s’approcher trop près du cratère, éviter de se retrouver dans le nuage de soufre. Et surtout, ne pas s’éloigner des guides locaux.

Au petit matin, le spectacle est toujours phénoménal. Mais différent : la rivière s’est transformée en lac de lave. Le cratère donne l’impression d’une marmite de lave bouillonnante. Les éclaboussures
incandescentes s’élèvent au cœur du cratère. Le volcan s’est (un peu) calmé. Mais continue de gronder. Toujours aussi fier.

Dallol, le surréalisme permanent

Est-il possible d’être sur la Terre, et se sentir sur une autre planète ? Sans doute lorsqu’on se trouve au cœur du Dallol, dans la dépression du Danakil. Ici, tout est surréaliste : le volcan, situé à l’extrémité nord d’un lac salin, le lac Karoum, culmine à… 130 mètres sous le niveau de la mer. La température extérieure avoisine les 45 degrés à l’ombre. Pas de lave apparente, ni de cratère : le magma est situé à environ 2 km de profondeur, sous une nappe phréatique. Le résultat ? Un nuage de couleurs teinté de rouge, de jaune, de vert, résultant d’une forte présence d’oxyde de fer, de sel, de soufre et d’autres minéraux. Et des montagnes de sel, des geysers gazeux, des vasques d’acide. Autour ? Le néant. Rien, à des kilomètres à la ronde - si ce n’est la frontière avec l’Érythrée, là encore distante de 8 kilomètres à peine, et qui impose la précaution.

La mine de potasse exploitée dans les années 1930 y est abandonnée. L’ambiance lunaire, martienne, du Dallol, est inénarrable. Et la beauté, n’occulte certainement pas le danger. Impossible de poser la main, le pied, quelque part, sans être vigilant. Le masque à gaz est cette fois-ci obligatoire pour se protéger des émanations de soufre. Le sol est friable et nécessite une attention de tous les instants. La quiétude du petit lac au centre du volcan ferait presque oublier l’acidité de l’eau, qui brûlerait quiconque y tremperait un orteil. Pas étonnant, ainsi, d’apprendre qu’en langue afar, Dallol signifie "désintégré" ou "décomposé".

S’il est aujourd’hui impossible d’expliquer toutes les réactions chimiques qui donnent à ce lieu son caractère si spécial, on peut affirmer avec certitude que le Dallol est unique sur Terre. À la fois magique et mystique.