Cette année le Copenhagen Fashion Summit, grand-messe de la mode sustainable qui se tient normalement chaque année dans la capitale danoise a changé de format. Épidémie de COVID-19 oblige, l’événement a été transformé en plateforme d’information virtuelle où une table ronde a réuni plusieurs acteurs du Fashion Pact venus dresser un premier bilan du projet, un peu plus d’un an après sa présentation dans le cadre du G7.

Dans un rapport présenté par Manny Chirico, Bruno Pavlovsky, Sonia Syngal et Paul Polman, respectivement représentants de PVH Corp, Chanel, Gap Inc et IMAGINE, la coalition a notamment rappelé les trois piliers de son action, à savoir : endiguer le réchauffement climatique, protéger la biodiversité et préserver les océans. Rassemblant désormais soixante signataires originaires de quatorze pays et représentant deux-cents marques, le Fashion Pact est également revenu sur ses avancées et ses promesses.

Endiguer le réchauffement climatique

Durant l’année écoulée, les signataires ont réduit d’entre 350 000 et 450 000 tonnes leurs gaz à effet de serre. Un action concrète, qui passe notamment par le recours aux énergies renouvelables (on estime aujourd’hui que globalement, entre 40 et 45% de l’énergie utilisée par les signataires est verte, un taux qui devrait passer à 50% d’ici 2025 et 100% d’ici 2030), le recours à des matières premières sustainable (chaque marque est supposée y avoir recours à hauteur de 25% minimum d’ici 2025) mais aussi une amélioration de la supply chain afin de réduire leur empreinte carbone, notamment en privilégiant des modes de transport et des moyens logistiques plus respectueux de l’environnement.

Protéger la biodiversité

Problème relativement récent pour le microcosme de la mode, la protection de la biodiversité est cependant essentielle à la survie de certaines espèces animales ainsi qu’au renouvellement des matières premières naturelles. A ce titre, les membres du Fashion Pact ont notamment utilisé cette première année afin de faire un tour d’horizon de leurs besoins mais aussi de leurs marges d’amélioration. En conséquence, ils ont dégagé deux engagements clés : protéger les espèces animales menacées et lutter contre la déforestation. Un plan qui passe notamment par la mise en place d’une agriculture régénérative ainsi que par le remplacement de certaines matières premières trop dévastatrices (à l’image de la cellulose par exemple, qui est chaque année responsable de l’abattage de 150 millions d’arbres) par d’autres, plus eco-friendly.

Préserver les océans

Cause d’inquiétude depuis plusieurs années déjà, les océans sont également au cœur des préoccupations du Fashion Pact. En cause ? Le plastique, dont huit millions de tonnes finissent par boire la tasse chaque année. Aussi, c’est tout naturellement que le comité s’est engagé à supprimer les plastiques « inutiles » de ses emballages d’ici 2025 pour les particuliers et 2030 pour ses transports logistiques. Dans le même temps et aux mêmes échéances, les marques signataires ont également accepté de remplacer au moins la moitié des plastiques indispensables par des versions 100% recyclées. Également dans la ligne de mire des griffes ? Les cintres et les étiquettes, généralement destinés à un usage unique et tout aussi polluants que les packagings.

Des actions concrètes déjà mises en place

Mais ces grandes lignes sont également complétées par des actions concrètes mises en place par les marques au quotidien, qu’elles soient membres ou non du Fashion Pact. Petit tour d’horizon (non-exhaustif) de quelques mesures d’ores et déjà prises par la mode.

Prada : un nylon retravaillé

Membre du Fahsion Pact : Oui

Entre Prada et le nylon, l’histoire d’amour perdure depuis la fin des années 80. Gamme emblématique de la griffe italienne, la ligne Nylon a commencé sa mue l’année dernière avec le lancement de Prada Re-Nylon. L’idée ? Revisiter les plus grands classiques de la maison et en offrir une nouvelle version confectionnée en Econyl, une fibre de nylon régénérée, obtenue par le recyclage de déchets maritimes. Son plus grand avantage ? Elle est recyclable à l’envi, sans jamais perdre en qualité.

La retombée concrète en 2020 : D’après la maison, 10 000 tonnes de fibre Econyl créées représentent l’économie de 70 000 barils de pétrole, des émissions de CO2 réduites à hauteur de 65 100 tonnes et par conséquent un impact sur le réchauffement climatique fortement réduit. D’ici à la fin de l’année 2021, la marque espère avoir remplacé toutes les fibres de nylon maison par de l’Econyl.

Gucci : une mode circulaire

Membre du Fashion Pact : Oui

Partie intégrante de Gucci Equilibrium, le programme mis en place par la maison florentine pour améliorer l’environnement et veiller au bien-être de ses habitants, Planet regroupe une série de mesures prises par Gucci pour réduire son empreinte carbone, diminuer ses consommations d’eau, d’énergie, de papier et de plastique dans ses bureaux du monde entier mais aussi faire la part belle à une mode plus eco-friendly.

La retombée concrète en 2020 : La ligne Off the Grid, lancée cet été et premier projet des Circular Lines, pensées pour mettre en avant des créations plus vertes. Composées en majorité de matériaux recyclés, biologiques ou sourcés de manière équitable, les pièces de la gamme OTG sont également réalisées selon des processus requérant moins de nouvelles ressources. A terme, l’idée est de faire de la mode circulaire une norme parmi tant d’autres et non plus une exception.

Stella McCartney : de nouvelles matières écologiques

Membre du Fashion Pact : Oui

Depuis sa fondation en 2001, la maison Stella McCartney défend des valeurs environnementales fortes. Pas de cuir, de plumes ni de fourrure, une laine sourcée de manière responsable et des matériaux toujours plus naturels pour les collections de prêt-à-porter comme pour les accessoires. Mais aussi, de manière plus large, une volonté de réduire sa consommation des ressources naturelles, ses déchets ainsi que son empreinte carbone.

La retombée concrète en 2020 : Les collections 2020 de la créatrice britannique ont notamment vu l’émergence de deux nouvelles matières, le Koba et le Coreva. La première, une fourrure synthétique composée à 37% d’éléments végétaux. La seconde, tout simplement la première toile de denim stretch au monde à être composée à 100% de fibres issues de plantes. Un matériau biodégradable et recyclable qui pourrait bien changer la face du jean.

Adidas : 50% de polyester recyclé

Membre du Fashion Pact : Oui

Depuis 2015, la marque de sportswear allemande est engagée auprès de Parley for the Oceans, une organisation qui œuvre pour la préservation des fonds marins. En parallèle, la griffe a également augmenté son utilisation de matériaux recyclés et œuvre à mettre en place un système de récupération de ses produits usagés auprès de ses clients.es tout en ayant de plus en plus recours à des énergies renouvelables.

La retombée concrète en 2020 : Au début de l’année, Adidas annonçait que pour la première fois de son histoire, plus de la moitié du polyester utilisé dans ses créations proviendrait de déchets recyclés. Au même moment, la marque faisait également part de son intention de produire entre 15 et 20 millions de paires de chaussures fabriquées à base de déchets plastiques récupérés sur les bords de mer. Un chiffre qui s’élevait en comparaison à 11 millions en 2019. Pour finir, la griffe a révélé que sa première basket 100% recyclable, la Futurecraft Loop, serait commercialisée en 2021.

Kering : la biodiversité avant tout

Membre du Fashion Pact : Oui

Membre clé du Fashion Pact, le groupe Kering a fait de la défense de la biodiversité son cheval de bataille. Au cœur du projet ? L’agriculture régénérative. Une pratique qui a pour avantage de réduire l’agrochimie tout en augmentant la biodiversité agricole et améliorer notamment la rétention d’eau des sols. En un mot : restaurer un écosystème souvent mal en point. Mais le groupe entend également lutter contre la déforestation et réhabiliter d’anciens sites naturels.

La retombée concrète en 2020 : La restauration d’une ancienne mine d’or en Guyane Française. En partenariat avec Solicaz et Forest Finance, Kering œuvre à reboiser une ancienne exploitation minière d’Amazonie, qui s’étend sur plus de 116 hectares. Un but fixé pour 2025.

Gabriela Hearst : repenser le défilé

Membre du Fashion Pact : Non

Depuis son lancement en 2015, l’ADN de la marque Gabriela Hearst est ancré dans la défense de fortes valeurs environnementales. Depuis 2017, elle a notamment recours aux packagings en TIPA, une fibre à la même apparence et solidité que le plastique, mais 100% biodégradable ainsi qu’à des cintres en carton. Des choix qui lui ont permis, dès avril 2019 de s’enorgueillir de ne plus générer aucun déchet plastique. Et l’utilisation de ressources déjà existantes ne s’arrête pas là : l’an dernier la marque a inauguré son premier magasin londonien, construit sans ajout de nouveaux matériaux que ceux qui étaient déjà présents sur place.

La retombée concrète en 2020 : C’est en s’attaquant à l’empreinte carbone d’un défilé que la griffe s’est le plus démarquée. S’il est impossible de réduire sa dette carbone à néant, elle peut être compensée. A savoir : elle est quantifiée, se voit attribuer un prix et la marque reverse ladite somme à un organisme œuvrant à sa diminution dans un autre domaine. Pour son défilé Printemps-Été 2020 à New York, la créatrice uruguayenne avait ainsi collaboré avec Bureau Betak et Eco Act, veillant à utiliser le moins d’énergie possible, bookant des mannequins déjà présents sur place et proposant un catering à base de cuisine locale et de saison. Une initiative qu’elle a de nouveau poursuivie pour les présentations de ses collections Automne-Hiver 2020 et Printemps-Été 2021.

Versace : des matières premières équitablement sourcées

Membre du Fashion Pact : Oui

Réduction de ses émissions de gaz à effet de serre, recours à une énergie 100% renouvelable, des packagings confectionnés en matériaux biologiques ou recyclés… d’ici 2025 la maison Versace s’est fixée de nombreux buts à respecter. Et parmi eux, celui d’atteindre un taux record de matières premières sourcées de manière équitable.

La retombée concrète en 2020 : Réputée pour ses sacs à main en cuir, la griffe italienne met un point d’honneur à sélectionner ses matières premières selon des filières certifiées afin de réduire au maximum l’impact de la production maroquinière sur l’environnement. Le but d’ici 2025 ? 95% de matières premières issues de tanneries certifiées mais aussi, pourquoi pas, des alternatives green mais toujours aussi résistantes.

Chanel : lutter contre le réchauffement climatique

Membre du Fashion Pact : Oui

En mars 2020, la maison française a dévoilé son plan d’action pour la préservation de l’environnement avec, comme mesure phare, la lutte contre le réchauffement climatique et plus particulièrement, un alignement avec l’Accord de Paris pour le Climat, datant de 2015.

La retombée concrète en 2020 : Baptisée CHANEL Mission 1.5, l’initiative a pour but d’endiguer le réchauffement climatique et le limiter à 1,5°C. Un objectif qui passe par la mise en place de plusieurs actions telles que la réduction de son empreinte carbone, une préférence pour les énergies renouvelables, un soutien des mesures en faveur de la biodiversité (qui permettent notamment de compenser les émissions de gaz à effet de serre et ont permis à la griffe d’atteindre la neutralité carbone en 2019) ainsi que le financement de projets éco-environnementaux afin d’aider les communautés les plus vulnérables à faire face aux conéquences du changement climatique.

 

Burberry : des « attributs positifs » quantifiés

Membre du Fashion Pact : Oui

En avril dernier, la maison britannique Burberry dévoilait #ReBurberry, une gamme de 26 produits répondant à des normes environnementales strictes, allant de l’utilisation des énergies renouvelables à des matières biologiques ou équitablement sourcées en passant par des emballages recyclés. Des critères que la marque anglaise qualifie de « positive attributes », qu’elle met en avant de manière quantifiable afin de pouvoir jauger son évolution. Comme la plupart de ses congénères, elle a également promis de travailler à réduire son empreinte carbone tout en ayant un impact positif sur la communauté qui l’entoure. 

La retombée concrète en 2020 : Entre 2019 et 2020, 89% des produits de la griffe présentaient au moins un attribut positif et 67% en comptaient davantage. D’ici 2022, Burberry vise les 100%. Dans le même temps, la marque a cessé la destruction systématique de ses produits invendus et/ou défectueux et a déclaré avoir eu recours à hauteur de 90% à de l’électricité verte sur la même période.

LVMH : LIFE, un programme sur tous les fronts

Membre du Fashion Pact : Non

Si le groupe LVMH œuvre pour la protection de l’environnement depuis près de trente ans, son programme LIFE, date quant à lui de 2012. Remis au goût du jour en 2016 afin d’englober toutes les maisons du groupe, il a également été revisité en 2019 avec des objectifs fixés pour 2020. Au programme : la réduction de l’empreinte carbone, bien sûr, mais aussi la réduction de ses déchets et de sa consommation d’eau, l’amélioration des performances environnementales de ses produits ainsi que de sa chaîne d’approvisionnement.

La retombée concrète en 2020 : Un objectif de réduction de 25% de son empreinte carbone déjà atteint, mais aussi et surtout de nouvelles mesures concernant le bien-être animal ou encore en faveur de la biodiversité avec un accent mis sur la transition écologique et la préservation des sols de ses vignobles.