Pour la nouvelle année, on a généralement le choix entre une bonne cuite, de bons voeux, les bonnes résolutions ou une bonne galette. Pour démarrer 2019, j'ai plutôt envie de vous offrir une bonne bouffée d'air canadienne. Quelques notes de musique, une pincée de littérature et un zeste de photographie à savourer les week-ends d'hiver, bien au chaud sous un plaid en laine de bison - si, si, ça existe, dans l'Express on vous avait même raconté l'incroyable filon du qiviuk, plus recherché que le cachemire, vous pouvez le relire ici.

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Commençons par des images, surprenantes, poétiques. Celles d'un infirmier français, Julien Coquentin, qui a vécu deux ans à Montréal, et qui a photographié la ville quotidiennement dans le silence des petits matins, quand il quittait l'hôpital où il avait travaillé de nuit. Cela donne une balade singulière dans les rues d'une ville à l'esthétique bien cachée, aux paysages changeants selon les saisons, les lumières et les personnages de passage. Tôt un dimanche matin, Journal de Montréal (Editions lamaindonne, 2013) est un bel hommage à "la plus belle des moches villes".

Et pour comprendre d'où vient cette métropole du XXIe siècle, se plonger dans les images d'antan est passionnant. Montréal à travers la carte postale ancienne (Editions Hervé Chopin, 2014), invite à un voyage dans le Montréal de la Belle Epoque, celui du tramway et du chemin de fer triomphants, de la fortune des banques et de l'activité intense du port - plus grand port céréalier du monde au début du XXe siècle. Montréal est alors surnommé le Paris de l'Amérique, et la rue Saint-Denis y est un foyer intellectuel très actif. La ville se montre beaucoup plus permissive que bien des cités nord-américaines, comme en témoigne le boulevard Saint-Laurent et son Red Light, dont il reste quelques vestiges encore aujourd'hui, comme le café Cléopâtre, dans le Quartier des spectacles.

Pour les amateurs de littérature, je recommande, si vous n'avez pas encore rejoint la communauté des fans, la saisissante Servante écarlate, oeuvre majeure de Margaret Atwood, parue en 1985, et dont a été tirée en 2017 une série à succès. Je le confesse, je n'avais jamais lu cet ouvrage. J'ai plutôt une inclinaison pour les textes de l'autre grande dame des lettres canadiennes, Alice Munroe, dont les nouvelles ne m'ont jamais déçue et qui sait si bien camper la complexité de la condition féminine dans le monde d'aujourd'hui. Avec La Servante écarlate, Margaret Atwood livre un magistral portrait de femme : une femme , qui tente de survivre dans un régime dictatorial ayant réduit le deuxième sexe au rôle d'esclave, les plus jeunes mises au service de la reproduction dans une société menacée d'extinction par le fléau de l'infertilité. Sa lecture fait froid dans le dos et rappelle, en ces temps troublés, notre indispensable devoir de vigilance devant toute dérive sectaire.

Terminons par le plaisir des sons, avec la musique de Mélissa Laveaux, une jeune chanteuse canadienne d'origine haïtienne, émigrée en France depuis dix ans. Elle a signé son premier album en 2008 et j'étais passée à côté - si, si, c'est possible, même si tout ce qui est canadien de près ou de loin ne doit en général pas m'échapper. Je viens de découvrir le troisième, sorti courant 2018, et c'est un régal. Mélissa Laveaux est née au Québec, de parents haïtiens, a grandi en Ontario avant de venir vivre chez nous. Elle chantait en français et en anglais, avec des inspirations folk, blues, jazz. Dans son dernier opus, fruit d'une quête des origines, elle adopte le créole. Une Sa capacité à jongler avec les cultures et les identités me rappelle (dans un style très différent) la tant regrettée Lhasa de Sela, cette artiste américano-mexicaine qui avait élu domicile au Canada où elle a produit trois albums d'une intensité rare, dans lesquels elle mêlait de multiples langues et influences musicales.

Que ceux qui m'entourent soient remerciés. Connaissant ma passion pour le Canada, ils ont contribué à me mettre entre les mains certaines des pépites évoquées ici. Le week-end approche, c'est le moment d'en profiter. Bonne découverte !

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