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Mathieu Blanchard prône le transport actif dans son mode de vie urbain: courir plutôt que conduire

Mathieu Blanchard
Mathieu Blanchard court une trentaine de kilomètres par jour pour se rendre à son boulot et en revenir. Photo Pierre-Paul Poulin


Plusieurs fois par semaine, Mathieu Blanchard enfile ses espadrilles et avale les 15 km qui séparent son appartement du Plateau-Mont-Royal de son bureau dans l’arrondissement Saint-Laurent. Sa journée de travail terminée, le Marseillais d’origine fait le trajet en sens inverse. Il engloutit les 30 km en près de deux heures. La même durée que s’il décidait de s’embourber sur la route durant les heures de pointe.

L’ingénieur de profession est un athlète spécialisé dans les épreuves d’endurance. Il parcourt le monde en participant à des compétitions d’ultra-trails. Il s’agit de très longues courses en nature suivant un parcours balisé de plus de 42 ou 80 kilomètres. Le trajet doit être plus long qu’un marathon (42,2 km).

Pour s’y préparer, il n’a eu d’autre choix que de réfléchir logiquement à son horaire quotidien. Dans le tourbillon de la vie professionnelle et urbaine, il ne peut rester coincé deux heures par jour dans le trafic ou les transports en commun. Il a donc décidé d’opter pour le transport actif appelé « course-navette » ou commute running.

Selon les statistiques, plus de 15 millions de Canadiens ont adopté ce style de vie. Et selon le portrait de la mobilité datant d’il y a cinq ans dans la grande région de Montréal, étude englobant 158 municipalités et près de 4,2 millions de personnes, la tendance qui était déjà en progression constante à l’époque suit sa courbe.

À Montréal, plus de 400 coureurs sont inscrits sur la page « Montreal Commute Runners » du réseau social sportif Strava.

Flexibilité

Pratique aussi simple que bénéfique, ce mode de transport est naturel. Beau temps, mauvais temps, au fil des quatre saisons, Blanchard court. Soumis à aucun horaire serré en raison de la flexibilité, cela lui permet en plus de se reconnecter à la nature et de faire le vide.

« Ce n’est plus à prouver que faire une activité physique régulière est vital pour la santé corporelle et mentale, rappelle le coureur utilitaire âgé de 30 ans. Le secret, c’est la constance dans tous les aspects de la vie. Il faut être constant dans le transport actif.

« Dans la vie urbaine, c’est difficile de tout concilier, ajoute-t-il. En faisant le décompte d’une journée de 24 heures, avec huit heures de sommeil, près de neuf heures au travail, deux heures de transport et trois heures pour les repas et les besoins quotidiens, il reste à peine deux heures pour la vie familiale et sociale. Il faut donc réduire certaines choses. Couper dans les transports, c’est l’idéal. »

Pour illustrer cette perte de temps névralgique, les 52 incidents de cinq minutes et plus dans le métro de Montréal en mars ont retardé plus de 303 000 usagers et totalisé 520 minutes de retard, soit près de neuf heures.

« Le transport actif peut paraître un changement mineur dans la vie quotidienne, mais son impact sur la santé et le bonheur est majeur. »

Possibilités multiples

Ce style de vie n’est pas uniquement réservé aux athlètes de haut niveau. Il est bénéfique à tout le monde. Inutile de courir en totalité du point A au point B, on peut parcourir une partie du trajet en voiture, en autobus ou en métro. Pour doser l’effort physique, rien n’empêche de le fournir à l’aller ou au retour, c’est au choix de chacun.

On peut aussi varier les terrains. À Montréal, le mont Royal offre une multitude de possibilités. Et on peut troquer les espadrilles pour le vélo. À titre d’exemple, lorsque Mathieu Blanchard décide d’enfourcher sa bécane, il pédale durant près de 30 minutes pour se rendre au travail.

« Il n’y a plus d’excuses, tout est possible. Il suffit de l’adapter à ses capacités. Au fil des sorties, ça devient de plus en plus inné et le temps passe rapidement. On arrive au boulot sans s’en apercevoir », relate celui qui en profite pour faire le vide dans sa tête pendant ses courses.

« Il ne faut pas y aller au hasard dans son horaire, sinon il y aura procrastination, prévient-il. On le remettra sans cesse au lendemain. Il faut établir ses sorties. »

Depuis qu’il a intégré le transport actif à son mode de vie, il se dit plus serein d’esprit. Finis le stress et l’angoisse au beau milieu des embouteillages.

En plus de faire des économies de temps, il économise de l’argent tout en se tenant au sommet de sa forme. Il suffit d’y mettre l’énergie nécessaire, de prendre les précautions pour éviter les blessures.

Mission périlleuse hors du centre-ville

Courir à Montréal n’est pas de tout repos. Hors du périmètre du centre-ville, la mission peut rapidement devenir périlleuse, estime Mathieu Blanchard.

« Il existe des aménagements, mais ils sont peu nombreux. Cela nous oblige à emprunter des axes qui nécessitent plus de temps ou de grands détours. Cela peut devenir une source de désespoir ou de découragement pour les coureurs moins expérimentés », explique l’athlète marseillais.

« Dès que nous sortons du centre-ville, il n’y a plus rien, poursuit celui qui connaît les trajets comme le fond de sa poche. Passé le secteur de Côte-des-Neiges, les obstacles sont nombreux et les passages piétonniers disparaissent. La densité de population est plus grande et ça devient très dangereux. Il faut avoir des yeux tout le tour de la tête. Comparativement aux villes européennes, Montréal accuse clairement un retard. »

En effet, dans les villes du nord de l’Europe, le réseau de transport actif est très développé. Il suffit de penser au Danemark, à la Suède et à la Norvège, où les citoyens utilisent beaucoup leur vélo et leurs souliers de course.

Plan de 2013

Dans son projet de plan de développement « Demain Montréal » énoncé en 2013, la Ville souhaitait hausser à 55 % la proportion des déplacements en transport collectif et actif aux heures de pointe du matin, avant l’arrivée de 2020. Le plan d’aménagement devait être conçu afin de prioriser le transport actif, en plus de faciliter et sécuriser les déplacements des piétons et cyclistes. Un suivi sera effectué cet automne alors que les résultats seront dévoilés en 2019, a fait savoir l’administration de Valérie Plante.

« Le plan est en développement à Montréal. La Ville a fait d’énormes progrès depuis 30 ans, mais il reste encore beaucoup à accomplir en nous comparant à d’autres villes à l’étranger », estime Suzanne Laberge, professeure titulaire au département de kinésiologie de l’Université de Montréal. Celle-ci est spécialisée dans la sociologie du sport et la promotion de l’activité physique.

« Il faut que la Ville réfléchisse à un bon plan d’aménagement. Nous sommes capables d’aller dans l’espace, ce devrait être réalisable, ajoute-t-elle, en mentionnant que le Bixi a beaucoup contribué au développement de l’utilisation du vélo. Mais en raison de l’offre et de la demande, ce n’est pas demain la veille que l’on verra les coureurs, les cyclistes et les patineurs à roues alignées sur la voie publique. »

« La Ville a tout à gagner en revoyant l’aménagement urbain, soutient Blanchard, qui incite aussi les entreprises à s’adapter à ce style. Il y a plein d’aspects positifs. La décongestion du réseau routier et la promotion de la santé sont primordiales. Tout est lié, alors que l’impact direct est énorme. Avec un bon aménagement urbain, les gens auront envie d’adopter ce style de vie. »

Selon la professeure Laberge, la durée du trajet dans un exercice physique dictera la décision des gens. Lorsqu’elle dépasse plus de 45 minutes à vélo et plus de 30 minutes à la marche ou à la course, la décision est critique.

Préparation parfaite

Athlète de pointe n’ayant pas le temps dans ses poches, Mathieu Blanchard essaie de parcourir près de 100 kilomètres par semaine. Quand il s’entraîne pour une compétition, il peut grimper jusqu’à 180 kilomètres hebdomadaires.

D’ici la fin de 2018, il participera à huit courses d’endurance à travers le monde. La semaine prochaine, il se rendra aux Açores pour le grand trail de 77 km. Mais l’apogée de son année de compétitions sera l’Ultra-trail du Mont-Blanc (UTMB) à la fin août. Il s’agit d’une prestigieuse course de 170 km autour de la plus haute montagne des Alpes (4809 mètres). Dans ce trajet, Blanchard grugera près de 10 000 mètres de dénivelé positif. Il a organisé son calendrier annuel autour de cette course. Dans ses déplacements quotidiens, il tient évidemment compte des trajets de ses compétitions. Il varie donc les terrains. En juillet, le mont Royal sera son terrain de jeu, comme les autres montagnes de la région et du nord-est des États-Unis.

De Paris à Montréal

Difficile de croire qu’il y a à peine quatre ans, l’homme n’était pas un féru de courses. Il avait débarqué à Montréal après avoir travaillé à Paris. Le sport n’était pas intégré à sa routine quotidienne, lui qui travaillait sans relâche. Pourtant, plus jeune, c’était un passionné de plongée, de voile et des sports de glisse. Emporté dans la spirale professionnelle parisienne, il a donc décidé de venir s’établir au Canada en saisissant une chance d’emploi. Il n’a pas voulu sombrer dans la même routine ennuyante. Une visite au mont Royal par une froide journée d’hiver lui a fait réaliser qu’il était possible de bouger malgré les températures glaciales québécoises. Quelques mois plus tard, une participation au Marathon de Montréal en 2014 l’a fait tomber en amour avec la course. Cela n’avait même pas été un calvaire. À preuve, il court des centaines de kilomètres en montagne.

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