À Dijon, dans le cockpit de la ville du futur

Le 11 avril, la métropole de Dijon a inauguré un poste de pilotage connecté, commun aux 23 communes qui la composent.
César Armand
Grâce aux captations de 115 caméras, le centre d'information et de veille organise les interventions dans l'espace public.
Grâce aux captations de 115 caméras, le centre d'information et de veille organise les interventions dans l'espace public. (Crédits : Vincent Arbelet)

A Carmen Munoz (Citelum), Jean-Bernard Lévy (EDF), Jean-Louis Chaussade (Suez), Jean-Pierre Farandou (Keolis), Jérôme Siméon (Capgemini France) et Martin Bouygues. Dans un bâtiment quelconque au bord d'un canal, la mise en service du poste de pilotage connecté de la métropole de Dijon a des airs d'université d'été du Medef. Dans le rôle du maître de cérémonie, non pas Geoffroy Roux de Bézieux, mais l'ancien ministre du Travail François Rebsamen. « Personne dans mon entourage n'imaginait ce que pouvait être une smart city ! », s'exclame le maire de la cité de la moutarde.

« Il s'agit d'imaginer non pas la ville de demain, mais une ville plus écologique dès maintenant avec des services plus performants », poursuit le PDG du groupe Bouygues. « Le meilleur kilowattheure est celui qui n'est pas consommé. La ville intelligente est une ville décarbonée, connectée et très solidaire », renchérit Carmen Munoz, directrice générale de Citelum (filiale EDF). « La data crée de l'emploi, crée des entreprises, vitalise, revitalise, survitalise la métropole », s'enthousiasme, lyrique, Jean-Louis Chaussade, le PDG du groupe Suez.

Gain de temps

Après ces paroles enflammées, les actes concrets. Au coeur de 1.200 mètres carrés, la visite commence par le centre d'information et de veille opérationnelle, où opérateurs vidéo et policiers municipaux sont assis devant des écrans qui remontent en direct les captations de 115 caméras. Les policiers sur le terrain, à pied ou à vélo, sont, eux, géolocalisables en permanence grâce aux fréquences émises par leur radio. En cas d'agression physique, par exemple, les opérateurs transmettent l'information aux policiers qui, d'un coup d'oeil sur une carte, regardent où se trouve la patrouille la plus proche et l'appellent pour la diriger sur les lieux du délit.

« On sait où chacun se trouve, cela constitue un gain de temps énorme », relève le chef de la police municipale, Michel Gueritée. Si la police nationale ou la justice a besoin du film, elle peut le demander sur commission rogatoire à la salle d'extraction-salle de relecture, une pièce fermée où travaillent deux policières. Ce jour-là, elles gravent sur un DVD quatre heures d'un vol à la roulotte, sur demande d'un juge d'instruction. Derrière une grande paroi, obscurcie pour préserver la confidentialité des affaires sensibles traitées par les forces de l'ordre, se trouvent les équipes de Suez, qui coordonnent et gèrent les interventions sur l'espace public. En cas de panne d'un feu de signalisation apparaît sur l'écran un point rouge, synonyme de problème. Le télécontrôleur qui s'en saisit doit suivre une procédure.

Bientôt une application destinée aux citoyens

Si ce feu tricolore est en travaux, il n'en tient pas compte. En revanche, si la situation s'avère plus grave (accident de la route), il doit appeler un référent. Il peut même envoyer des SMS à l'élu concerné pour le prévenir le plus rapidement possible. Dans le même espace se trouvera aussi, dès la fin octobre 2019, l'opérateur de l'ensemble des mobilités supervisées par Keolis. En surplomb de cette ruche se trouve un « bocal » qui pourra héberger une cellule de crise. Quand elle est activée, elle facilite la coordination entre les moyens et les équipes d'intervention. À cet étage se situe également le « portail » téléphonique avec dix agents répondant aux questions des habitants (630 par jour en moyenne), que ce soit sur le centre communal d'action sociale ou les horaires des piscines.

Les habitants appellent aussi régulièrement pour des tags injurieux. Désormais, les téléopérateurs préviendront leurs collègues d'en dessous qui déclencheront une intervention en urgence pour nettoyer ou repeindre. Dans le cas où le graffiti a été identifié par un télécontrôleur sur son écran et ensuite signalé par un administré au bout du fil, le téléopérateur l'informe que la situation est déjà prise en charge par les agents de terrain. Ceux-ci sont d'ailleurs équipés d'une tablette numérique pour recevoir un récapitulatif des tâches à accomplir avant d'envoyer une notification une fois le travail effectué. Ce qui permet de hiérarchiser des difficultés qui s'additionneraient au même endroit. Par exemple, s'il faut réparer le portemanteau dans le couloir d'une école où les plombs ont sauté, on envoie l'électricien avant le menuisier.

Bientôt, promet-on, le citoyen lui-même pourra, via une application, signaler un défaut, gérer ses demandes administratives ou optimiser ses déplacements dans la métropole.

Aux manettes, un groupement d'entreprises privées

Un appel d'offres a été lancé, suivi d'un dialogue compétitif, avant la signature le 1er février 2018 d'un contrat de performance qui court sur douze ans. Les heureuses entreprises élues s'appellent Bouygues Energies & Services, Citelum (filiale du groupe EDF), Suez et Capgemini. À travers un marché public de conception, réalisation, exploitation et maintenance du poste de pilotage, il leur est demandé trois résultats principaux : 65 % d'économie d'énergie sur l'éclairage public, des délais d'intervention sur l'espace public et une disponibilité à 99 % des équipements informatiques. Mandataire du groupement, Bouygues Energies & Services assure le pilotage global des opérations en réalisant la conception, la réalisation et la maintenance du poste de pilotage.

Citelum doit rénover en LED télégérées l'intégralité du parc, avec pour objectif 65 % d'économie d'énergie au terme du contrat et des coûts d'entretien divisés par deux. Suez est, elle, censée définir des fonctionnalités et des usages mais aussi assurer l'exploitation et la maintenance à long terme des infrastructures. Enfin, Capgemini a développé la plateforme de monitoring urbain, afin d'améliorer la performance opérationnelle et de réduire la consommation énergétique. Le projet coûte 105 millions d'euros, dont 53 millions d'euros d'investissements publics financés par la ville, la métropole de Dijon, le conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté et le Fonds européen de développement régional (Feder). « Les économies de fonctionnement seront réinvesties dans l'investissement. Cela ne mettra pas en péril les finances », martèle le maire-président François Rebsamen.

César Armand

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Commentaires 2
à écrit le 21/04/2019 à 16:30
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La télé-verbalisation, il la font aussi, j'espère, pour rentabiliser tout ça. "Ce jour-là, elles gravent sur un DVD quatre heures d'un vol à la roulotte, sur demande d'un juge d'instruction." y a pas de ressources partagées (espace web accessible en...

à écrit le 21/04/2019 à 11:02
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big brother s'introduit partout, et nous en devenons de plus en plus dépendants au grand plaisir des bobos (non virtuels hélas)

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