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Ces entreprises qui ne verseront pas la «prime Macron» à leurs salariés

Ce dispositif phare des mesures d'urgence pour le pouvoir d'achat ne sera pas déployé dans toutes les entreprises. DAMIEN MEYER/AFP

VIDÉO - Des négociations musclées ont lieu avec les représentants syndicaux à propos de la mise en place de la prime exceptionnelle défiscalisée et désocialisée annoncée par Emmanuel Macron en réponse à la colère des «gilets jaunes».

C'est une pomme de discorde: alors qu'un rapport de l'ANDRH, association au service des professionnels des ressources humaines, paru ce lundi souligne la popularité de la prime exceptionnelle défiscalisée et désocialisée (dite «prime Macron») auprès des dirigeants du secteur privé, le choix de certaines sociétés de ne pas mettre en place ce dispositif pour leurs salariés provoque la colère de ces derniers. Depuis plusieurs semaines, des mouvements sociaux émergent sporadiquement sur le territoire et des négociations tendues ont lieu en coulisse entre les représentants syndicaux et les directions des entreprises concernées.

Certaines entreprises soulignent avant tout une situation financière contrainte par la conjoncture pour expliquer l'absence de versement de prime. C‘est le cas de figure de plusieurs PME. «Certaines ont zéro marge de manœuvre», plaidait François Asselin, le président de la CPME. Même son de cloche dans certains groupes comme Castorama qui a accordé une prime de 300 euros, jugée insuffisante par les syndicats mais qui représente l'effort financier maximal auquel la direction peut concéder. Le directeur des ressources humaines de Castorama et Brico Dépôt, Olivier Lurson, expliquait à l'AFP que le marché demeurait «difficile». «Dans le contexte de marché évoqué, l'entreprise souhaite appeler chacun à ses responsabilités», ajoutait-il.

Le manque de moyens est également invoqué par la direction de l'usine Dunlop, à Montluçon, dans l'Allier. «La direction nous dit qu'elle n'a pas les moyens car elle doit préserver ses réserves pour financer des investissements», explique au Figaro le représentant local de la CGT, David Guillaume. «En ce moment, tous les budgets sont contraints pour financer des machines», regrette-t-il. Le syndicaliste estime que cette prime est «importante: c'est une réparation de la perte de rémunération subie jusqu'ici par les travailleurs, après une dégradation des conditions de travail» à la suite de la signature d'un accord de rupture conventionnelle collective. Pour faire plier la direction, les employés ont entamé une «grève du zèle», ralentissant la production de 20% en appliquant les procédures à la lettre. Des réunions ont lieu mardi et mercredi afin de débloquer la situation. Mais, pour David Guillaume, l'explication financière invoquée par les cadres pour refuser la prime ne tient pas: «derrière Dunlop, c'est Goodyear», une entreprise ayant réalisé un bénéfice fin 2018.

L'argument financier est ainsi perçu comme malhonnête par bon nombre de syndicats, qui ne partagent pas les conclusions des dirigeants: une petite prime peut ainsi être perçue comme un effort financier important pour les uns quand les autres y verront un geste insuffisant. Ainsi, chez Vivarte, une prime de 100 euros accordée à chaque employé du groupe - soit 10.000 salariés - est décrite comme une maigre compensation par un cadre de Force ouvrière. Selon lui, le groupe propriétaire des enseignes Caroll, La Halle et Minelli se porte bien mais ne redistribue pas suffisamment à ses salariés les richesses qu'il produit. «Le PDG n'arrête pas de parader à la télévision en disant que le groupe va bien mieux, mais derrière, c'est zéro pour les employés», peste-t-il. Des déclarations qui suscitent l'exaspération de la direction du groupe: «Malgré une perte de chiffre d'affaires de 20 millions d'euros due en partie aux «gilets jaunes», nous avons tout de même souhaité verser une prime à tous les salariés en mars. On ne peut pas dire qu'on ne fait rien pour nos employés, vous voyez l'effort que représente 100 euros multipliés par 10.000 salariés?», s'exclame-t-on.

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«Gilets jaunes» : prime exceptionnelle, SMIC, CSG... le gouvernement précise ses mesures - Regarder sur Figaro Live

«État d'urgence salarial»

D'autres groupes estiment que le pouvoir d'achat ne peut se résumer à une «prime one shot» et revendiquent de réfléchir à une hausse des salaires sur le moyen ou long terme plutôt que de répondre à une demande ponctuelle de primes. Ce mouvement a eu lieu chez Apple. Mi-décembre, le géant de Copertino ,aux profits colossaux, refuse d'accorder une prime à ses salariés français. En réaction, les syndicats organisent des débrayages dans les magasins, notamment à Paris, à Lille ou à Montpellier. Des négociations ont ensuite lieu en janvier, au cours desquelles la direction de l'entreprise à la pomme explique «préférer travailler à moyen-long terme» plutôt qu'avec une prime ponctuelle. Quelques semaines plus tard, mi-janvier, un accord est finalement trouvé, et la GAFA annonce notamment une augmentation annuelle de 750 euros pour tous les salariés.

Dans plusieurs secteurs, les syndicats multiplient les actions et promettent de poursuivre la bataille pour obtenir des primes conséquentes. Après plusieurs jours d'actions, les salariés grévistes du groupe Lafarge-Holcim, dans la vallée de la Seine, ont ainsi obtenu la signature d'un «accord de sortie de conflit». Ce dernier prévoit des embauches en CDI ainsi que le versement d'une «prime de 50 euros mensuelle pendant au moins neuf mois», précise le représentant CGT local, Moussa Diaby. Idem chez Veolia: début février, une centaine de manifestants se sont rendus devant le siège du groupe, à Aubervilliers, en réclamant «du pognon» à la direction. Répondant à l'appel de l'intersyndicale CFDT, CFE-CGC, CGT et FO, les représentants des salariés rappelaient que les salaires au sein de l'entreprise n'ont progressé que de «1% en moyenne depuis trois ans», et proclamaient «l'état d'urgence salariale». Les organisations ont aussi critiqué vertement le versement de la «prime Macron» à 20% seulement des salariés français du groupe, et ont réclamé de «véritables négociations» sur les salaires ainsi qu'une «équité» renforcée dans les parcours professionnels internes. De nouvelles actions pourraient être organisées sous peu.

L'épineuse question des fonctionnaires

Cas à part, la fonction publique reste un dossier explosif. L'absence de prime n'est pas digérée par les syndicats, qui réclament à cor et à cri une amélioration du pouvoir d'achat des travailleurs du secteur public. «Qu'on m'explique pourquoi un fonctionnaire payé à 1200 ou 1300 euros n'aurait pas le droit d'en bénéficier», lançait Laurent Berger, fin décembre, sur Radio Classique. Mi-janvier, son homologue de Force Ouvrière, Yves Veyrier, mettait en garde contre une situation de plus en plus périlleuse: «arrivera un moment où la cocotte-minute va exploser», s'alarmait-il, prévenant que les syndicats allaient «faire changer d'avis le gouvernement sur la situation des fonctionnaires». Interrogée, la responsable de la CFDT au sein de la fonction publique, Mylène Jacquot, considère que l'État se met dans une situation paradoxale, «incitant les entreprises à verser la prime tout en s'abstenant lui-même de le faire». L'organisation compte bien agir plus largement pour le pouvoir d'achat des employés de la fonction publique au Printemps.

Pourtant, les revendications des syndicats ont reçu une fin de non-recevoir du gouvernement. Dans un entretien au JDD, Olivier Dussopt expliquait que la mise en place d'une prime exceptionnelle de 1000 euros nécessiterait de trouver «2,5 milliards d'euros», et serait «extrêmement compliquée en droit». Aujourd'hui, son cabinet confirme que sa position «n'a pas varié» et qu'il n'y aura «pas de mise en place de la prime exceptionnelle dans la fonction publique», principalement pour des raisons économiques: «le faire pour la fonction publique d'État» aurait représenté une «obligation faite par le gouvernement aux employeurs territoriaux», signifiant une «charge nouvelle» pour celles-ci, explique-t-on.

Ces entreprises qui ne verseront pas la «prime Macron» à leurs salariés

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131 commentaires
  • mistophore

    le

    Dussopt n'est pas gêné quand ce gouvernement vole 750 euros par an à un retraité avec sa CSG anti-retraités , par contre pour donner 750 euros par an à un modeste employé ça semble impossible ?

  • mabutti

    le

    Le versement de cette prime, n'est pas obligatoire.

  • francisalain

    le

    castorama délocalise en Pologne certains services généraux "la concurrence libre et complètement faussée" vive l'union !

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