Encore une nuit agitée à Mutsamudu, la capitale de l’île d’Anjouan. Des coups de feu ont été entendus par les habitants dans la nuit du mercredi 17 octobre au jeudi 18 octobre, sans que l’on en connaisse la provenance et la nature. Pour l’heure, la situation reste confuse au profit des rumeurs et des manipulations de toute part.

Déjà des morts

La crise à Anjouan a pris une allure insurrectionnelle lundi 15 octobre. Des barrages ont été élevés par des habitants pour protester contre la dérive autoritaire du président Azali Assoumani.

Le même jour, des renforts de l’armée sont arrivés de l’île de la Grande Comore. La confrontation entre les deux camps a vite dégénéré. Selon les autorités, les manifestants seraient aussi armés. La médina de Mutsamudu apparaît comme l’épicentre de l’insurrection. Mercredi 17 octobre, les affrontements ont fait trois morts, selon le ministre de l’intérieur, Mohamed Daoudou.

Insurrection politique

La situation à Anjouan s’est fortement dégradée depuis le référendum voulu et organisé par le président Azali Assoumani en faveur de la réforme de la Constitution, le 30 juillet 2018.

Depuis 2001, la présidence de l’archipel tourne entre ses trois îles (Grande Comore, Anjouan et Mohéli). Mais le président Azali, qui souhaite briguer un second mandat en 2019, s’est autorisé, par ce scrutin (92,74 % de oui) à accomplir deux mandats successifs au lieu d’un.

À Anjouan, cette initiative passe d’autant plus mal qu’en 2019, c’était à son tour de désigner le futur président de l’Union. Les autorités accusent le parti de l’opposition Juwa d’être à l’origine des troubles.

Une vieille querelle

Ces événements ne sont pas sans rappeler la crise sécessionniste qui avait agité l’île et tout l’archipel de 1997 à 2001. D’ailleurs, les manifestants ont repris le cri de ralliement des milices séparatistes « embargos » d’il y a une vingtaine d’années : « Lera » (« C’est l’heure », en comorien).

Une crise résolue par l’adoption, en 2001, de la nouvelle Constitution attribuant tous les cinq ans la présidence de l’archipel à un représentant de l’une des trois îles. Cette démocratie tournante avait mis fin aux coups d’État et aux crises séparatistes qui se succèdent dans l’archipel depuis son indépendance de la France en 1975.

Neutraliser l’opposition

Chef du parti Juwa et originaire d’Anjouan, Abdallah Sambi est accusé par le ministre de l’intérieur Mohamed Daoudou d’être le responsable du soulèvement. Depuis des mois, il est en détention provisoire dans sa résidence pour une affaire de corruption.

Son avocat, Maître Mahamoudou, a dénoncé publiquement, le 25 septembre 2018, les atteintes aux droits de la défense dont son client était victime. Le pouvoir a également neutralisé des élus de l’opposition au mois d’août en les plaçant en détention provisoire.

De plus en plus grave

Si l’on n’arrive pas à savoir ce qui se passe exactement à Anjouan, la nature des événements qui secouent l’île est suffisamment grave pour inquiéter le secrétaire général des Nations Unies et l’Union africaine (UA).

Mercredi 17 octobre, Antonio Guterres a appelé « toutes les parties concernées à faire preuve de calme et de retenue dans l’intérêt de la paix et de la stabilité aux Comores » après avoir exprimé « sa préoccupation ». Tandis que l’UA en appelle à « l’urgence de mesures d’apaisement de nature à faciliter le règlement de la crise ».