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Esteban Ocon, Charles Leclerc, Pierre Gasly: la F1 reprend l’accent français

Abu Dhabi, le 9 décembre. Esteban Ocon, vainqueur du Grand Prix de Hongrie sur Renault-Alpine en 2021. Le Monégasque Charles Leclerc, vainqueur des Grands Prix de Spa et de Monza en 2019 sur Ferrari. Pierre Gasly, vainqueur du Grand Prix d’Italie en 2020 sur AlphaTauri.
Abu Dhabi, le 9 décembre. Esteban Ocon, vainqueur du Grand Prix de Hongrie sur Renault-Alpine en 2021. Le Monégasque Charles Leclerc, vainqueur des Grands Prix de Spa et de Monza en 2019 sur Ferrari. Pierre Gasly, vainqueur du Grand Prix d’Italie en 2020 sur AlphaTauri. © Pedro Antunes
Florence Saugues , Mis à jour le

Après des années de disette en F1, Prost, Laffite, Alesi ont trouvé des prétendants à leur succession.

«Quand j’entame le tour de chauffe, confie Pierre Gasly, 25 ans, je suis conscient. Mais sur la grille de départ, au moment où les feux s’allument, je bascule dans une autre dimension. Plus aucune émotion ou pensée ne vient parasiter mon cerveau. » Esteban Ocon , lui, s’accorde quinze minutes pour échauffer ses muscles en écoutant sa playlist. Chacun sa technique, avec un même résultat pour tous : dans l’habitacle, la peur n’existe pas. Le doute non plus. On ne conduit pas un bolide de 700 kilos et 1 050 chevaux à 370 km/h sans aimer le danger, la vitesse, l’adrénaline. Pierre Gasly, Esteban Ocon ou Charles Leclerc … la formule 1 reprend l’accent français. Entre eux, du respect, toujours, de solides amitiés, parfois, mais aussi de franches rivalités nées de milliers de kilomètres de bagarre.
Depuis l’enfance, en karting puis en monoplace, ils nourrissent tous le rêve de devenir champion du monde. « Esteban est normand comme moi, raconte Gasly.C’est fou de se dire qu’il y a deux pilotes de la même région parmi les vingt meilleurs ! »

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Lui est né à Rouen ; Esteban, à Évreux. Les deux ont été biberonnés aux effluves d’essence. « On a ça dans les gènes », clame Jean-Jacques, le père de Pierre Gasly, qui a pratiqué le rallye. Le grand-père, Jean, était déjà en équipe de France de karting dans les années 1960. Évelyne, la grand-mère, championne de France. Esteban vient aussi d’une famille passionnée de sport automobile. Son père, Laurent, garagiste, lui offre son premier kart à l’âge de 4 ans et demi. Avec sa femme, il suit en camping-car le fiston sur ses courses. Même chose pour les parents Gasly. Il faut jouer les chauffeurs, les coachs, les mécanos, les agents. Et les financiers. Le coût d’une saison s’élève à une dizaine de milliers d’euros en karting. Ce sera 100 fois plus en F2, sans parler de la F1. Les deux clans se retrouvent au bord des circuits. On commence par s’entraider ; mais, à mesure que les Fangio en herbe gravissent les échelons, les liens se distendent.

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Après une compétition de kart, à Menton en 2005. De dr. à g. : Pierre Gasly (9 ans), Esteban Ocon (9 ans), Charles Leclerc (8 ans). Seul manque aujourd’hui Valentin Bréaux (à g.), 8 ans, victime d’un accident en 2013.
Après une compétition de kart, à Menton en 2005. De dr. à g. : Pierre Gasly (9 ans), Esteban Ocon (9 ans), Charles Leclerc (8 ans). Seul manque aujourd’hui Valentin Bréaux (à g.), 8 ans, victime d’un accident en 2013. © DR

Depuis 2005, les deux Français croisent la trajectoire de Charles Leclerc. Celui-ci, né à Monaco, fourbit ses armes sur les compétitions hexagonales. « Notre premier duel, se souvient Esteban Ocon, c’était en finale de Coupe de France de minikart, à 6 ou 7 ans. Dernier virage : je suis à l’intérieur, il est devant moi et il me percute. À moins que j’aie freiné trop tard… Bref, incident de course. J’ai fini sixième, Charles a abandonné. On a passé la fin de la journée à pleurer avec nos parents. » Ce jour-là, Anthoine Hubert était le plus fort, un petit Lyonnais lui aussi programmé pour accéder aux plus hautes marches des podiums. Mais, en 2019, son ascension est stoppée net au détour d’un virage du circuit de Spa, en Belgique.

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Dans l’habitacle, la peur n’existe pas. Ni le doute

« C’était mon meilleur ami, avoue Gasly. On a habité six ans ensemble à l’époque de la Sport Academy du Mans [le sports-études des pilotes]. Si je suis devenu l’homme que je suis, c’est aussi grâce à lui. » Pierre travaillait avec ses ingénieurs pour préparer la course du lendemain quand l’accident s’est produit. À l’annonce de la mort d’Anthoine, il rejoint Leclerc dans son paddock et lui glisse à l’oreille : « S’il te plaît, gagne la course pour lui ! » En pole position, le Monégasque a l’opportunité de remporter son premier Grand Prix. Le cœur est gros mais les nerfs tiennent, et le talent fait le reste. La promesse est tenue. « Fermer la visière et passer à la même vitesse devant l’endroit où Anthoine s’est tué : c’est le boulot ! » expliquera Charles Leclerc en conférence de presse.

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En 2009, Pierre, 13 ans, arrivé troisième à la Coupe du monde de kart. À dr., Charles Leclerc, (12 ans), champion de France, cadet et vainqueur de la Bridgestone Cup.
En 2009, Pierre, 13 ans, arrivé troisième à la Coupe du monde de kart. À dr., Charles Leclerc, (12 ans), champion de France, cadet et vainqueur de la Bridgestone Cup. © DR

Pudeur et retenue. Comme en 2015, quand il a fallu faire le deuil de Jules Bianchi, ce talentueux et charismatique « grand frère ». Un « parrain » inspirant, disent-ils, qui a trouvé la mort après neuf mois de coma, des suites de son accident au Grand Prix du Japon. Pour cette génération, c’est la découverte de la réalité des circuits. Le dernier accident mortel d’un pilote en formule 1, celui d’Ayrton Senna, au Grand Prix de Saint-Marin, remontait à 1994. Pour tous, Jules était un modèle ; pour le « petit Charlot », comme on surnommait Charles Leclerc à l’époque, il était aussi un mentor. C’est sur le circuit de kart du père de Jules Bianchi, à Brignoles, que le minot a fait ses premiers tours, à 4 ans. Les familles Leclerc (Hervé, le père, est un ancien pilote qui a abandonné en formule 3) et Bianchi partagent aussi la même passion. C’est encore Jules qui, en 2011, a obtenu que Nicolas Todt, agent de pilotes, prenne Charles sous son aile quand ses parents n’ont plus eu les moyens de le financer. Et c’est à nouveau Jules Bianchi qui lui a conseillé de calmer son tempérament impétueux. « J’étais très émotif, racontera Charles Leclerc, mais j’ai travaillé là-dessus. Maintenant, c’est un de mes points forts. »

Pierre Gasly à 8 ans, sur son premier mini-kart, bricolé avec un moteur de tondeuse à gazon. Circuit d’Anneville-Ambourville, en Normandie.
Pierre Gasly à 8 ans, sur son premier mini-kart, bricolé avec un moteur de tondeuse à gazon. Circuit d’Anneville-Ambourville, en Normandie. © DR

Un mental d’acier mais aussi un corps d’athlète, car on oublie parfois que la F1 est d’abord un sport. Entre accélérations, décélérations et virages, les pilotes perdent en moyenne 2 à 3 kilos par course et peuvent encaisser jusqu’à 5 à 6 g. « On s’entraîne tous les jours pour être endurant, fort, et avoir un bon cardio, explique Esteban Ocon. Trois qualités difficiles à conjuguer mais indispensables pour être réactif et coordonné. » Les muscles doivent pouvoir supporter des efforts très intenses, le cœur des rythmes infernaux. D’où l’importance d’une préparation aérobie : course à pied, vélo… « Si l’on ne s’oxygène pas bien, notre vision peut devenir floue au bout d’une heure de course », précise Ocon. En plus d’un torse et d’avant-bras bien développés, un volet de leur entraînement porte sur le cou : chaque virage lui impose une charge de 20 à 25 kilos ! Les essais étant désormais interdits en saison, ces conducteurs d’élite s’entraînent essentiellement en simulateur, paramétré avec les réglages de leur voiture et les spécificités de la piste. Les séances servent de répétition générale. « Le niveau de réalisme est de l’ordre de 90 %, précise Ocon. Nous ressentons même en partie les g. »

À Rouen, le 28 septembre 2020.
À Rouen, le 28 septembre 2020. © Philippe Petit / Paris Match

Bilan des courses : Charles Leclerc a deux Grands Prix à son actif. En 2016, à 19 ans et 345 jours, Esteban est devenu le plus jeune Français à évoluer en Formule 1. Le 1er août dernier, sur Alpine, il a gagné son premier Grand Prix à Hungaroring, en Hongrie. « Voir des pilotes français qui gagnent, commente Pierre Gasly, ça crée un engouement. Il y a de plus en plus de supporteurs derrière nous. Cette victoire, c’est très bien pour Esteban. Mais je suis content de rester le plus jeune Français à avoir gagné un Grand Prix de F1 ! » C’était le 6 septembre 2020, à Monza, en Italie. Pierre avait 24 ans. Il mettait fin à « la disette », comme on dit dans le jargon. La France n’avait connu aucune victoire depuis celle d’Olivier Panis à Monaco, en 1996.

Interdits d’essais en saison par économie et par écologie, les pilotes d’élite s’entraînent sur simulateur

Autre prodige de cette génération, Max Verstappen, fils de Jos, ancien pilote de F1. Le Néerlandais fait ses gammes en Belgique et aux Pays-Bas, ses deux terres d’origine, dans l’écurie de karting créée pour lui par son père. En 2011, il commence à ferrailler avec les francophones. Tantôt vainqueurs, tantôt vaincus, en karting comme en monoplace, les quatre gladiateurs s’empoignent depuis une dizaine d’années. Verstappen sera le premier à accéder à la F1, en 2015. Il a 17 ans et 5 mois. Un an après, en Espagne, il établit un autre record en devenant le plus jeune vainqueur de Grand Prix. À 24 ans, il est sacré champion du monde en détrônant le « King Hamilton ». De quoi donner envie et espoir aux Leclerc, Ocon ou Gasly, qui n’ont qu’une obsession : coiffer, à leur tour, la couronne de lauriers. 

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