Pour les ex-enfants soldats, la vie d'après est souvent un combat

AFP

Alhaji Sawaneh de la Sierra Leone (deuxième gauche) et Alberto Ortiz de Colombie (deuxième droite), anciens enfants-soldats, lors d'une conférence à Paris le 21 février 2017 sur le sort des 246 millions d'enfants vivant dans des zones de conflit
Alhaji Sawaneh de la Sierra Leone (deuxième gauche) et Alberto Ortiz de Colombie (deuxième droite), anciens enfants-soldats, lors d'une conférence à Paris le 21 février 2017 sur le sort des 246 millions d'enfants vivant dans des zones de conflit © POOL/AFP

Temps de lecture : 3 min

Hantés par des souvenirs dont personne ne voudrait, déscolarisés, étrangers dans leur propre famille... Pour les ex-enfants soldats, le retour à la vie civile sonne souvent comme le début d'un nouveau combat, celui d'une reconstruction personnelle qui peut prendre des années.

La newsletter international

Tous les mardis à 11h

Recevez le meilleur de l’actualité internationale.

Votre adresse email n'est pas valide

Veuillez renseigner votre adresse email

Merci !
Votre inscription a bien été prise en compte avec l'adresse email :

Pour découvrir toutes nos autres newsletters, rendez-vous ici : MonCompte

En vous inscrivant, vous acceptez les conditions générales d’utilisations et notre politique de confidentialité.

"J'ai fait des cauchemars longtemps après ma libération. Je me revoyais en train de combattre dans le bush", raconte Alhaji Sawaneh, 30 ans.

Enrôlé de force à l'âge de 10 ans pour combattre aux côtés du Front révolutionnaire uni de la Sierra Leone, il est venu apporter son témoignage mercredi lors d'une conférence organisée à Paris sur le sort des 246 millions d'enfants vivant dans des zones de conflit.

Comme lui, des dizaines de milliers d'enfants sont aujourd'hui recrutés par des groupes armés à travers le monde. Environ 17.000 enfants soldats ont été recrutés au Soudan du Sud depuis 2013 et près de 1.500 au Yémen depuis 2015, selon des chiffres publiés mardi par le Fonds des Nations unies pour l'enfance (Unicef). Près de 2.000 enfants ont été recrutés par Boko Haram au Nigeria et dans les pays voisins au cours de la seule année 2016.

Alhaji Sawaneh, lui, a manié les armes pendant deux ans avant d'être finalement sauvé en 2000 par des Casques bleus. A sa libération, une agence de protection de l'enfance le prend en charge et cherche à retrouver sa famille.

"C'est notre priorité lorsque des enfants sont relâchés. Reconnecter un enfant avec sa famille est le meilleur moyen de le réintégrer à la société", explique Crystal Stewart, conseillère en protection de l'enfance au sein de l'ONG International Rescue Committee.

Mais retrouver la famille prend souvent du temps. "Quand ils été enlevés jeunes, ils ne savent pas forcément d'où ils viennent, quel âge ils ont. Cela nécessite des recherches parfois longues", explique-t-elle.

En attendant, les enfants sont placés. Avec de nouvelles difficultés à la clé. "Ma famille d'accueil me faisait travailler à la maison. J'étais comme un esclave", confie Alhaji Sawaneh. "Mais je nourrissais un rêve, celui de continuer mes études". Finalement, il trouve une aide financière pour reprendre le chemin de l'école.

'Stigmatisés'

Les études, c'est aussi ce qui a permis à Alberto Ortiz de ne pas sombrer. Issu d'une famille pauvre, ce jeune Colombien décide à l'âge de 12 ans de rejoindre les guérilleros des Farc, dans l'espoir de fuir la misère. "Je pensais que j'allais régler tous mes problèmes et aider ma famille financièrement", témoigne le jeune homme aujourd'hui âgé de 22 ans.

"Ils m'ont dit que si j'en avais marre je pourrais les quitter, mais je me suis retrouvé pris au piège". Trois ans plus tard, il parvient à s'échapper. Il est pris en charge par un programme gouvernemental mais ne parvient pas à retrouver d'ancrage familial. "Mon père et ma mère sont décédés pendant mon absence. Les autres membres de ma famille ne voulaient plus me parler. Ils avaient peur de moi".

Aujourd'hui encore, Alberto Ortiz souffre du regard de la société. A l'université de Santiago de Cali où il étudie la finance, il reste discret. "Les gens comme moi sont stigmatisés. Je n'ai raconté mon histoire qu'à un seul ami. Personne d'autre ne sait".

Aider les ex-enfants soldats à retrouver la confiance de leur communauté fait partie du long processus de leur réintégration. "Les ex-enfants soldats peuvent être rejetés, voire emprisonnés ou tués parce qu'ils ont commis des violences", explique Manuel Fontaine, directeur des programmes d'urgence de l'Unicef. "On essaye de convaincre les chefs religieux locaux, les leaders qui ont une réelle influence sur la population. Mais ça prend du temps".

Mardi, à l'issue de la conférence organisée par le ministère français des Affaires étrangères et l'Unicef, la Tunisie, le Kazakhstan et la Birmanie ont rejoint les 105 Etats déjà signataires des Principes et engagements de Paris, une liste d'orientations politiques pour la lutte contre le recrutement d'enfants soldats. Depuis l'adoption de ces principes en 2007, 65.000 enfants soldats ont pu être libérés, selon l'Unicef.

22/02/2017 08 :52 :03 -  Paris (AFP) -  © 2017 AFP