Déscolarisation : les maires en première ligne, mais du chemin reste à parcourir…

Hugo Soutra

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Déscolarisation : les maires en première ligne, mais du chemin reste à parcourir…

AnneBrugnera

© Par RelaxXX (Wikimedia) — CC BY-SA 4.0

Deux députées, Anne Brugnera (LaReM) et George Pau-Langevin (Nouvelle Gauche), ont mené au printemps dernier une « mission flash » dédiée à la question de la déscolarisation et au suivi des enfants. Si les maires ont bien conscience de leur mission de recensement des enfants d’âge scolaire sur leurs territoires, dans les faits il n’est pas toujours facile pour eux d’établir des fichiers à la fois fiables et complets. Un enjeu d’autant plus crucial, que certaines déscolarisations peuvent aussi être révélatrices d’une « radicalisation » de la famille. Interview.

Courrier des Maires : Quelle était le but de cette mission parlementaire ? Et peut-on dire que le phénomène de déscolarisation soit en évolution en France ?

Anne Brugnera : Notre objectif était double :

  1. s’assurer que notre pays est en capacité de vérifier que tous les enfants d’âge scolaire reçoivent effectivement une instruction, que ce soit dans les écoles publiques ou sous-contrat, dans les écoles hors-contrat, ou à domicile auprès de leurs parents ;
  2. comprendre les raisons qui poussent certains parents à sortir leurs enfants des écoles.

Nos auditions ont permis de faire une première distinction entre la déscolarisation subie (à cause d’une phobie scolaire, d’un handicap, etc.) et celle choisie. Dans ce dernier cas, les raisons sont diverses : choix de vie des parents, préférence accordée à une pédagogie alternative mais aussi, et c’est plus inquiétant, volonté de retirer l’enfant de la communauté nationale. Il s’agit ici des phénomènes liés aux dérives sectaires, mais aussi à la question de la radicalisation religieuse, l’école étant évidemment un puissant symbole républicain.

Diriez-vous que le phénomène de déscolarisation soit en évolution en France ?

C’est aujourd’hui assez compliqué de chiffrer précisément ce phénomène de déscolarisation – et c’est bien un problème que notre mission a soulevé –  car en cas de scolarisation à domicile, ce sont aux parents de se déclarer à la mairie, et ce n’est pas toujours fait. La mobilité, qui caractérise notre société actuelle, est une aussi un obstacle à cette remontée de chiffres.

Mais selon les éléments que nous avons recueillis et croisés, il n’y a pas en France une évolution inquiétante de la déscolarisation, comme on peut le voir dans d’autres pays comme aux Etats-Unis, par exemple.

Les maires doivent justement recenser les enfants en âge d'être scolarisés sur leurs territoires...

A.B. : Oui, c’est vrai, mais ce n'est pas toujours évident... Comme je le disais, tous les parents qui instruisent à domicile ne se déclarent pas, les familles sont par ailleurs de plus en plus mobiles, et enfin c’est encore très ardu de « croiser » les fichiers communaux d’état-civil avec ceux d’autres institutions.

C’est pour cela que nous avons plaidé, dans notre rapport, pour la création d’un numéro d’identification « INE » pour tous les enfants – même pour ceux qui sont scolarisés à la maison ou dans des écoles hors-contrat, ainsi que pour la mise en place à l’échelle des départements de commissions « ad-hoc » pour organiser le  partage  des données et ainsi mieux assurer le suivi des enfants non-scolarisés ou déscolarisés. Car dans le cadre de la prévention de la radicalisation, nous avons vu que ce sont les changements, les ruptures qui doivent alerter l’éducation nationale et les élus. Mais pour bien suivre ces « parcours », il faut des outils efficaces de recensement.

Comment réagissent les maires face à cette mission complexe ?

A.B. : Nous avons auditionné les associations d’élus, et on sent chez les maires des grandes villes une réelle inquiétude sur le sujet. Ils ont conscience des enjeux mais aussi des difficultés de la mission qui leur est confiée. Une ville, comme Tourcoing, mène d’ailleurs un travail intéressant de recoupement de ses fichiers d’état-civil avec ceux des ayants droit de la CAF. Du côté des maires ruraux, la gestion du problème n’est pas la même. En effet, les élus nous ont expliqué qu’ils connaissaient la grande majorité des familles qui s’installent sur leurs territoires et qu’ils voient les enfants au quotidien…

Néanmoins, nous avons remarqué que beaucoup de maires focalisent sur l’obligation scolaire des enfants du primaire, oubliant au passage la problématique des collégiens. C’est pour cela que nous avons également préconisé l’harmonisation des enquêtes municipales avec des procédures et un questionnaire communs.

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