Le ministre de l'Immigration du Québec, Simon Jolin-Barette, défend un projet de loi qui vise à assurer un bon "maillage" entre les besoins du marché du travail et le profil des candidats.

Le ministre de l'Immigration du Québec, Simon Jolin-Barrette, défend un projet de loi qui vise à assurer un bon "maillage" entre les besoins du marché du travail et le profil des candidats (ici à l'hôtel de ville de Montréal, le 1er février 2019).

Marc-André Gosselin

Un coup de tonnerre. C'est l'effet qu'a eu le projet de loi "visant à accroître la prospérité socio-économique du Québec et à répondre adéquatement aux besoins du marché du travail par une intégration réussie des personnes immigrantes", déposé jeudi 7 février par le gouvernement du Québec à l'Assemblée nationale. Car en même temps que ce texte, le ministre de l'Immigration a annoncé l'annulation des 18 000 dossiers en attente dans ses services au titre du Programme des travailleurs qualifiés... Plongeant ainsi entre 40 et 45 000 personnes dans le désarroi.

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"Les dossiers ne sont pas jetés à la poubelle, ils seront remboursés et nous invitons les candidats concernés à faire une déclaration d'intérêt dès maintenant dans le système Arrima", explique à L'Express le ministre Simon Jolin-Barrette. Il n'empêche : bien des espoirs ont été douchés par cette annonce et nombre de projets de vie se trouvent remis en question.

D'après le ministre, cette réforme était indispensable pour améliorer le système d'immigration québécois. "Les précédents gouvernements acceptaient de traiter beaucoup trop de dossiers. Certains datent de 2005!". Les délais de traitement étaient du coup très longs, trop longs - un minimum de trente-six mois. "Avec le nouveau dispositif, si le candidat est sélectionné après sa déclaration d'intérêt, on lui garantit une réponse dans les six mois", assure Simon Jolin-Barrette.

Une sélection plus drastique des profils en fonction des compétences

La Belle province entend ainsi se mettre au diapason du système fédéral Entrée Express (instauré en 2012) et des autres provinces canadiennes, qui offrent des délais de réponse plus rapides. "Il y a une concurrence internationale sur l'immigration. Nous devons être compétitifs et la réalité pour les nouveaux arrivants doit être à la hauteur des promesses que nous leur faisons", martèle le ministre.

Le coeur de la réforme réside surtout dans les critères d'admissibilité pour les travailleurs qualifiés. Fini les nombreux points obtenus grâce à un doctorat : il ne suffira plus de démontrer un haut niveau de qualification, il faudra posséder une formation correspondant précisément aux besoins du marché du travail québécois. "Nous voulons être honnêtes dès le départ sur les besoins", explique Simon Jolin-Barrette. Or ces besoins sont divers : tantôt il s'agit de profils très diplômés en technologie de l'information et des communications ou en numérique ; tantôt il s'agit de métiers avant tout techniques (soudeurs par exemple). Et ils varient selon les régions. "Avant, beaucoup de gens venaient au Québec et ne trouvaient pas d'emploi dans leur domaine, ils occupaient des jobs pour lesquels ils étaient surqualifiés : un doctorant pouvait se retrouver serveur", souligne le ministre. Des situations source de déception, voire d'amertume et donc d'intégration plus ou moins réussie, selon les autorités.

Le Programme de l'expérience québécoise, une voie "rapide"

Mais la décision du gouvernement Legault se révèle critique pour les nombreux immigrants - notamment français - déjà installés sur le sol québécois avec un visa temporaire et dans l'attente de leur CSQ. Vont-ils être obligés de rentrer en France dès l'expiration de leur visa ? "Pour les candidats qui témoignent d'un haut niveau de français (niveau 7) et d'un minimum de douze mois d'expérience professionnelle au Québec, ils peuvent passer par la voie du Programme de l'expérience québécoise", assure Simon Jolin-Barrette. Ce programme est aussi disponible pour les étudiants diplômés au Québec. Une voie rapide, idéale pour tous ceux dont le français est la langue natale : les dossiers sont traités en 20 jours ouvrables promet le ministère.

Les Français, à qui le Premier ministre François Legault a fait des appels du pied lors de sa visite officielle à Paris en janvier, devraient d'ailleurs avoir plus de chance de se qualifier via Arrima selon le ministre, et ce pour deux raisons : leur connaissance de la langue d'une part, les accords de reconnaissance mutuelle France-Québec dans certains métiers, d'autre part. Encore faut-il que ces métiers correspondent aux besoins du marché du travail local. Et que les candidats à l'immigration acceptent de s'installer en région où les offres sont les plus nombreuses.

En attendant, les personnes dont le dossier a été annulé seront remboursées des frais engagés une fois le projet de loi adopté et sanctionné. Elles peuvent joindre le ministère par téléphone ou par courriel pour obtenir des informations, notamment sur le Programme de l'expérience québécoise. Et s'armer de patience. Car le ministère n'est à ce jour pas en mesure d'indiquer combien de déclarations d'intérêt ont déjà été déposées dans le système Arrima, depuis son lancement depuis le 2 août dernier,

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