Pharmacienne au Brésil, menuisier en France

Faute de pouvoir valider son diplôme dans le pays de son mari, cette mère de famille a choisi la voie de l’apprentissage pour rebondir.

LP/ Guillaume Georges

    A la maison, je me sentais inutile, je pleurais, j'étais perdue. Sans amis ni famille. J'ai fait une crise. » Carla Chardonnet, pharmacienne de formation de 33 ans, a souffert avant de trouver sa place dans le monde professionnel en France.

    En 2013, la Brésilienne débarque en région parisienne pour rejoindre son mari commercial. « Il avait une bonne place dans sa boîte, se souvient-elle. C'est donc moi qui suis venue. » Elle a alors en tête de travailler en laboratoire, comme chez elle à Rio de Janeiro. Problème, son diplôme obtenu au Royaume-Uni puis validé au Brésil n'est pas valable en France. « Je ne me voyais pas étudier trois ou quatre ans encore », confie la mère de quatre enfants.

    Carla n'a « pas eu honte », la première année, de se reposer sur les deniers de son conjoint : « J'avais un objectif : apprendre le français. » La jeune femme, qui progresse grâce aux cours de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii), pense à une reconversion dans l'architecture d'intérieur. « J'ai toujours aimé l'artistique mais je n'ai jamais eu le courage de me lancer. C'est un métier de riches au Brésil. Pour réussir, il faut être le fils de quelqu'un », explique la fille d'avocats de classe moyenne.

    Comprendre comment on casse un mur

    A l'Ecole supérieure des arts modernes design de Paris (XVIIe), Carla apprend les bases, de façon théorique. « J'avais besoin d'aller sur le terrain pour comprendre comment on casse un mur, on met une cloison », poursuit-elle.

    Pendant son stage « ouvrier », l'ex-pharmacienne rénove des bâtiments anciens, jusque dans le Morvan, où son tuteur la sollicite pour le ravalement d'un manoir. Elle découvre l'art de manier le bois. « J'ai beaucoup aimé le chantier, car c'est réel, ce n'est pas sur le papier », observe-t-elle avec son accent chantant. Pour Carla, cette expérience sonne comme un déclic : c'est dans la menuiserie qu'elle veut percer. « Ce métier est complémentaire de l'architecture d'intérieur. Il me permet de faire de l'agencement, de créer des mobiliers, des luminaires, en bois ou en bambou », illustre-t-elle.

    Apprentie dans le transport d'œuvres d'art

    Depuis neuf mois, la mère de famille suit des cours dans un centre de formation à Gennevilliers (Hauts-de-Seine), de l'association des Compagnons du devoir. En parallèle, elle est apprentie dans une entreprise spécialisée dans le transport d'œuvres d'art, qui lui verse le smic. Dans l'atelier menuiserie de la société, où elle fabrique des caisses sur-mesure pour déplacer sculptures et tableaux, elle ne côtoie que des hommes. « Mon mari m'a averti que c'était un milieu difficile pour les femmes, mais je n'ai jamais eu de souci. Je suis petite, j'arrive à porter des choses lourdes, les hommes admirent ça », assure-t-elle.

    Actuellement en période d'examens pour décrocher le Certificat d'aptitude professionnelle (CAP), Carla envisage de poursuivre son apprentissage chez les Compagnons du devoir afin d'obtenir un Brevet d'études professionnelles (BEP). Un point à améliorer en particulier ? « Je dois être plus minutieuse car je ne suis pas manuelle au départ », reconnaît-elle. A long terme, Carla s'imagine à son compte. « Mais j'ai encore quelques années à apprendre en entreprise », conclut-elle.

    Dans une entreprise de transport d’œuvres d’art, elle fabrique des caisses sur-mesure/LP/ Guillaume Georges
    Dans une entreprise de transport d’œuvres d’art, elle fabrique des caisses sur-mesure/LP/ Guillaume Georges LP/ Guillaume Georges