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Candidat ou pas? Kabila se prononce dans les heures qui viennent

Le Vif

Le président congolais Joseph Kabila va dire dans les prochaines heures s’il respecte la Constitution et désigne un dauphin à l’élection présidentielle prévue le 23 décembre en République démocratique du Congo, ou s’il passe outre à l’interdiction de se représenter après deux mandats.

Quel qu’il soit, le candidat de la majorité présidentielle doit déposer son dossier de candidature avant la date-limite mercredi à 15h30 GMT au siège de la commission électorale à Kinshasa. C’est en tous cas ce que prévoit le calendrier électoral. L’élection prévue le 23 décembre a été reportée à deux reprises.

Au pouvoir depuis l’assassinat de son père en 2001, élu en 2006, réélu dans la contestation en 2011, M. Kabila aurait dû quitter le pouvoir dès le 20 décembre 2016 à la fin de son deuxième mandat. Un accord politique du 31 décembre 2016 lui a permis de rester au pouvoir moyennant des élections avant la fin 2017, finalement repoussées au 23 décembre. Si le président en exercice s’engageait à quitter le pouvoir, ce serait une première dans l’histoire de la RDC, immense pays instable gorgé de ressources minérales, où les transitions se sont toujours écrites dans la violence, en 1965, en 1997 et en 2001.

« L’oiseau rare sera connu tôt le matin (mercredi), à l’aurore », a déclaré mardi soir le porte-parole du gouvernement Lambert Mende en sortant mardi soir d’une réunion autour du chef de l’Etat.

Il n’a pas précisé comment l’annonce serait faite aux médias et aux quelque 80 millions de Congolais.

Pendant cette réunion, M. Kabila, 47 ans, n’a donné aucune indication sur son avenir politique aux cadres de la coalition présidentielle Front commun pour le Congo (FCC).

– Possible dauphin –

Sur les réseaux sociaux, le nom de l’ex-Premier ministre Augustin Matata Ponyo revenait souvent comme possible dauphin. Dans la matinée, la candidature d’un ancien soutien fervent du président Kabila, l’ex-ministre Tryphon Kin-Kiey Mulumba, a brouillé les pistes.

Deux fois ministre, M. Kin-Kiey avait lancé en 2014 l’association « Kabila Désir », pour « fédérer » les Congolais autour du président. Il y a deux jours, il se demandait sur Twitter comment la désignation d’un « dauphin » « pourrait se faire sans frustrations nouvelles voire fracture au sein » de la majorité présidentielle. Un signe que le processus serait enclenché, selon des experts. Dans l’attente du choix du président, l’opposant Félix Tshisekedi a déposé sa propre candidature mardi.

Deux autres adversaires du président Kabila ont fait de même les jours précédents: l’ex-chef rebelle Jean-Pierre Bemba et l’ex-président de l’Assemblée nationale Vital Kamerhe. Tous trois envisagent à terme une candidature unique de l’opposition pour cette élection présidentielle à un tour.

Le président Kabila a pris soin de rendre visite à son homologue angolais Joao Lourenço à Luanda avant d’annoncer sa décision. Il a dépêché à Kigali ses chefs des renseignements civils et militaires auprès du président rwandais Paul Kagame. Les Etats-Unis envisagent de nouvelles sanctions pour obliger M. Kabila à quitter le pouvoir, a écrit lundi le Financial Times, qui affirme qu’au moins un membre de sa famille a été victime d’une interdiction de visa en juin de la part de Washington.

Une longue crise politique émaillée de violences

Joseph Kabila a été investi à 29 ans président du géant d’Afrique centrale en janvier 2001, après l’assassinat de son père Laurent-Désiré Kabila par un garde du corps. Mais son parcours depuis n’a pas été un long fleuve tranquille.

Le 29 octobre 2006, il est élu au suffrage universel (58%) face à Jean-Pierre Bemba, du Mouvement de libération du Congo (MLC, opposition), à l’issue des premières élections libres depuis l’indépendance de la Belgique en 1960. L’entre-deux-tours a été émaillé de violences. Les 22 et 23 mars 2007, Kinshasa est le théâtre de combats à l’arme lourde entre l’armée et la garde rapprochée de Jean-Pierre Bemba. Les combats font plus de 300 morts, selon la Mission de l’ONU (Monuc), qui dénonce « un usage disproportionné » de la force. La troupe du MLC est totalement défaite et le sénateur Bemba quitte la RDC.

Le 28 novembre 2011, Joseph Kabila est réélu lors d’une présidentielle à un tour. L’opposant Etienne Tshisekedi, arrivé deuxième, rejette les résultats. Organisées de façon chaotique et marquées par des violences, les élections sont entachées de nombreuses irrégularités selon la communauté internationale.

Emeutes et pillages

Du 19 au 22 janvier 2015, des manifestations éclatent à Kinshasa contre une révision de la loi électorale susceptible d’entraîner un report de la présidentielle et de permettre à M. Kabila de rester au pouvoir au-delà de son second et dernier mandat constitutionnel.

Les manifestations dégénèrent en émeutes et pillages. La répression fait plusieurs dizaines de morts.

Les 19 et 20 septembre 2016, de nouvelles violences entre forces de l’ordre et jeunes réclamant le départ de M. Kabila secouent Kinshasa, faisant plusieurs dizaines de morts. Des pillages et des incendies visent des bâtiments publics et des permanences de partis de la majorité.

Le 20 décembre, au dernier jour du mandat de M. Kabila, Kinshasa et plusieurs autres villes sont le théâtre d’affrontements meurtriers entre forces de l’ordre et jeunes hostiles à son maintien au pouvoir. L’ONU fait état d’au moins 40 morts.

Accord sous l’égide de l’épiscopat

Le 31 décembre 2016, pouvoir et opposition signent un accord sous l’égide de l’épiscopat catholique, autorisant M. Kabila à rester jusqu’à la « fin 2017 », en contrepartie de la création d’un Conseil national de suivi de l’accord et de la nomination d’un Premier ministre issu de l’opposition.

Le 7 avril 2017, Bruno Tshibala est nommé Premier ministre. Félix Tshisekedi, fils d’Étienne Tshisekedi – décédé en février -, qui briguait ce poste, accuse le président d’être « le principal obstacle au processus démocratique ».

Kabila au pouvoir jusqu’au début 2019

Le 5 novembre 2017, la Commission électorale annonce plusieurs scrutins, dont la présidentielle, le 23 décembre 2018. M. Kabila restera jusqu’en janvier 2019. L’opposition exige son départ dès fin 2017. L’épiscopat déplore « l’usage disproportionné de la force » par la police, citant « au moins » 56 morts, dont 52 « par balle », dans des manifestations entre avril et octobre 2017. Les 31 décembre et 21 janvier, une quinzaine de personnes sont tuées dans la répression de marches interdites, à l’appel d’un « comité laïc de coordination », proche de l’Eglise catholique. Nouvelle marche et deux nouveaux morts dans la répression le 25 février 2018. L’ONU et les pays occidentaux durcissent le ton contre Kinshasa.

Bemba acquitté et candidat

Le 8 juin 2018, la Cour pénale internationale (CPI) acquitte en appel l’ancien chef de guerre Jean-Pierre Bemba, arrêté en 2008 et condamné en première instance à 18 ans de prison pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité en Centrafrique en 2002-2003.

Le 2 août, Jean-Pierre Bemba dépose sa candidature à la présidentielle, au lendemain de son retour triomphal à Kinshasa. Il est toujours poursuivi dans une affaire annexe de subornation de prison pour laquelle le parquet de la CPI a requis cinq ans de prison.

Katumbi empêché de rentrer –

Les 3 et 4 août, l’opposant en exil Moïse Katumbi est bloqué à la frontière zambienne, d’où il voulait rentrer en RDC pour déposer sa candidature à la présidentielle avant la date-butoir du 8 août. Ancien allié du président Kabila passé à l’opposition fin 2015, l’ex-gouverneur du Katanga, avait été autorisé à quitter la RDC en mai 2016 pour des raisons médicales. Il a depuis été condamné à trois ans de prison dans une affaire dont il nie tout fondement.

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