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En Libye, le maréchal Haftar à la reconquête du Croissant pétrolier

Les affrontements entre l’Armée nationale libyenne et des milices pourraient hypothéquer le règlement politique de la crise.

Par  (Tunis, correspondant)

Publié le 22 juin 2018 à 13h50, modifié le 23 juin 2018 à 10h56

Temps de Lecture 3 min.

Sur la route de Ras Lanouf, en Libye, en 2011.

C’est comme un scénario qui se réédite. Depuis le 14 juin, le Croissant pétrolier, poumon économique de la Libye, est à nouveau le théâtre d’affrontements qui risquent d’hypothéquer la reprise des exportations du brut tout autant que le règlement politique de la crise libyenne. Les forces de l’Armée nationale libyenne (ANL), du maréchal Khalifa Haftar, ont affirmé, jeudi 21 juin, avoir repris le contrôle d’Al-Sedra et Ras Lanouf, deux des principaux ports situés le long de l’arc de terminaux en bordure du golfe de Syrte. Zone stratégique, cette région voit transiter plus de la moitié de brut libyen exporté.

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L’offensive de l’ANL, baptisée « Invasion sainte », visait à déloger les forces d’Ibrahim Jadhran, qui s’étaient emparées le 14 juin d’Al-Sedra et Ras Lanouf après une opération éclair. Issu de la tribu locale des Magharaba, Ibrahim Jadhran est l’ancien chef de la Garde des installations pétrolières, une force supposée être officielle mais devenue de facto une milice privée au service d’un homme.

Trois réservoirs détruits

Jadhran avait été l’allié de Haftar lors de l’éclatement de la guerre civile, en 2014, ayant opposé ce dernier au bloc politico-militaire Fajr Libya (« Aube de la Libye »), à tendance islamiste. Illustration de la volatilité des alliances dans le chaos libyen, les deux hommes s’étaient par la suite brouillés.

En septembre 2016, Haftar avait bouté Jadhran hors du Croissant pétrolier et rouvert les terminaux bloqués, permettant la reprise des exportations de pétrole. L’épisode avait consacré la réhabilitation diplomatique de Haftar auprès des chancelleries occidentales, qui l’avaient jusque-là snobé en raison de la sulfureuse réputation de général d’opérette qui l’entourait.

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Malgré les communiqués de victoire diffusés par l’ANL, les combats ne semblent pas totalement terminés autour du Croissant pétrolier. Des escarmouches pourraient se poursuivre ces prochains jours. Toutefois l’ANL, qui bénéficie d’une précieuse supériorité aérienne devrait finir à moyen terme par rétablir son emprise sur la zone. Haftar a pu se tailler la maîtrise des airs grâce au soutien fourni par les Emirats arabes unis, l’Egypte et la France.

Selon le spécialiste des questions de défense Arnaud Delalande, Paris a mis à disposition de Haftar l’avion de surveillance et de reconnaissance Beechcraft King Air 350, de fabrication américaine. L’appareil, qui permet l’interception des communications et donc la localisation des téléphones portables, a été utilisé lors de l’offensive de Derna et, selon M. Delalande, opère en ce moment dans la zone du Croissant pétrolier.

Si l’instabilité devait se prolonger dans la région, la facture économique, déjà élevée, pourrait s’alourdir et peser sur les ressources financières du pays. Trois réservoirs ont été détruits en une semaine. La National Oil Company (NOC), l’entreprise publique libyenne qui gère les ressources d’hydrocarbures, a déploré des « pertes catastrophiques ». Les combats, selon Mustafa Sanalla, le directeur de la NOC, pourraient coûter au pays plus de 450 000 barils d’exportation par jour sur un total actuel supérieur au million.

Cette nouvelle flambée de violence autour du Croissant pétrolier jette une ombre sur le scénario de sortie crise établi lors d’une réunion au sommet, fin mai à Paris, où les protagonistes de la crise libyenne – dont le maréchal Haftar – s’étaient accordés sur la perspective d’organiser avant le 10 décembre un double scrutin présidentiel et législatif.

Haftar polarise la scène politique

Les derniers combats s’ajoutent à l’offensive menée par l’ANL à Derna, une ville de Cyrénaïque (est) tenue par une alliance politico-militaire islamiste autour de laquelle gravitent des groupes proches d’Al-Qaïda.

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Après avoir conquis l’essentiel de Benghazi en 2017, le maréchal Haftar, qui a réussi à susciter des soutiens extérieurs – dont celui de la France – au nom de sa lutte « antiterroriste », est résolu à s’emparer de Derna afin de consolider sa stature d’homme d’Etat ayant unifié le pays. Ce faisant, il polarise toutefois davantage la scène politique libyenne, attisant l’hostilité de ses adversaires, qui dénoncent la brutalité de ses méthodes et son approche exclusivement militariste.

C’est à Misrata, métropole portuaire de la Tripolitaine (ouest), que l’opposition à Haftar est la plus déterminée. De ce point de vue, il n’est pas anodin que l’ANL ait mis en cause la Brigade de défense de Benghazi (BDB), au côté de Jadhran, dans les récents combats du Croissant pétrolier. La BDB, formée de « révolutionnaires » et d’islamistes chassés de Benghazi par Haftar, a été hébergée à Misrata. Des connexions familiales existent entre ces groupes anti-Haftar expulsés de Benghazi et Misrata.

Tant que cette fracture entre Misrata et les forces du maréchal n’est pas résorbée, les scénarios de sortie de crise demeureront fragiles. Et dans ce face-à-face, le gouvernement d’« accord national » de Fayez Al-Sarraj, établi à Tripoli, n’est guère d’un grand secours, limité par la faiblesse de son ancrage territorial.

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