Sophia Chikirou : la colère de la conseillère de Jean-Luc Mélenchon

Sophia Chikirou : la colère de la conseillère de Jean-Luc Mélenchon

Sophia Chikirou est intervenue mardi soir sur BFMTV, pour donner ses explications. Des soupçons portent sur la manière dont sa société a facturé la France Insoumise durant la campagne présidentielle.

[Mis à jour le 24 octobre 2018 à 10h12] "A tous ces gens qui essayent de m'atteindre par la vie privée, par des injures, par des accusations qui n'existent pas dans le dossier, je leur dis que je ne baisserai pas les yeux. Pour me les faire baisser, il faudra me les crever. Ce n'est pas mon caractère". L'avertissement de Sophia Chikirou est emprunt de colère. L'ancienne conseillère en communication de Jean-Luc Mélenchon était mardi sur le plateau de BFMTV, pour une interview qui lui a permis d'apporter des éléments de réponse sur les soupçons de surfacturation qui portent sur la campagne de Jean-Luc Mélenchon (voir plus bas).

Sophia Chikirou le sait très bien, c'est aussi la question de "nature de sa relation" avec Jean-Luc Mélenchon qui a été soulevée ces derniers jours. Mediapart estime qu'il est d'intérêt public que leurs liens, "extra-professionnels", assure le média, soient révélés. La communicante a balayé cet aspect des révélations faites par Mediapart d'un revers de main : "Il n'y a pas eu de favoritisme", a-t-elle dit, estimant être la cible de journalistes misogynes et que les portraits faits d'elle par certains médias sont des "attaques".

Sophia Chikirou avait quelques dizaines de minutes plus tôt tenu à débuter cette interview télévisée en mettant les choses au clair selon elle sur les soupçons portant sur les comptes de campagne de Jean-Luc Mélenchon. "Il n'y a pas eu de surfacturations, Mediascop n'a pas surfacturé, il n' y a pas eu de détournement de fonds publics et il n'y a pas eu d'enrichissement personnel", a-t-elle lancé, estimant au passage que "ça a été la campagne la moins chère de toutes les campagnes". D'après l'ex-conseillère en communication de Jean-Luc Mélenchon, c'est "inédit" que le parquet "organise de telles perquisitions" à ce stade de l'enquête. Et d'assurer : "Il n'y a aucun soupçon sur la réalité du travail de Mediascop". Pour rappel, Sophia Chikirou a récemment été auditionnée à deux reprises par la police judiciaire au sujet de l'enquête concernant les comptes de campagne présidentielle de La France Insoumise.

Mediapart estime qu'il faut parler de la vie privée de Sophia Chikirou

Pour le journal d'investigations en ligne Mediapart, il est certain que Jean-Luc Mélenchon entretient depuis longtemps une relation "extra-professionnelle" avec Sophia Chikirou. Dans un article publié le 19 octobre, intitulé "Les premières découvertes des perquisitions Mélenchon", Mediapart pointe, entre autres choses, "la proximité de Jean-Luc Mélenchon et de la communicante Sophia Chikirou, au cœur des investigations, qui se trouvait au domicile de l'ancien candidat mardi matin (lors de la perquisition) à l'aube". Le média assure qu'il est utile que la nature de leur relation soit rendue publique : "Celle-ci pourrait relever de la seule vie privée des deux intéressés mais prend désormais, à la lueur des investigations judiciaires, une dimension d'intérêt général", écrit le journal.

Sophia Chikirou a d'abord fait l'objet d'une enquête de France Info concernant les comptes de campagne de Jean-Luc Mélenchon en 2017. Le média s'interroge sur certains chiffres et relève les doutes de surfacturation sur lesquels enquête désormais la police judiciaire (voir plus bas).

"Nous avons pris le parti à Mediapart de considérer que cet élément de la vie privée était de nature à éclairer des faits publics". a insisté Fabrice Arfi lundi 22 octobre. Sur le plateau de C à Vous, le journaliste assure que Sophia Chikirou "n'est pas qu'une partenaire, n'est pas qu'une prestataire". Et d'ajouter : "Aux yeux des autres, elle est même un problème. Comment nous le savons ? Parce que les dirigeants de la France Insoumise nous parlent. Ils nous ont dit qu'il y a un problème à parler avec le chef dans ce parti qui a un culte du chef, parce qu'elle n'est pas qu'une camarade. Elle est autre chose".

Jean-Luc Mélenchon s'insurge, Mediapart insiste

"Pourquoi Plenel [directeur de la rédaction de Mediapart NDLR] raconte-t-il qu'elle est ma compagne ? Ce n'est pas ma compagne", s'est agacé Jean-Luc Mélenchon samedi 20 octobre 2018 dans une vidéo diffusée sur son compte Facebook (voir ici). Et d'ajouter : "D'habitude on ne fait pas d'insinuation sur les moeurs des gens, sur ce qu'ils font, sur quelle est leur vie privée".

Fabrice Arfi a admis sur C'est à Vous que la rédaction de Mediapart avait depuis longtemps des éléments permettant d'affirmer que Jean-Luc Mélenchon et Sophia Chikirou ont bien une relation "extra-professionnelle". "Ça fait des semaines qu'on travaille sur comment raconter cette histoire, comment raconter le problème politique qui est posé à la France Insoumise au regard de la relation entre les deux. Jean-Luc Mélenchon dit : 'Ce n'est pas ma compagne'. Il faut comprendre ce qu'il veut dire : 'fiscalement, c'est pas ma compagne'".

Et d'expliciter, encore, pourquoi ces révélations sur la vie privée de Jean-Luc Mélenchon ont, selon Mediapart, une vraie pertinence journalistique : "Si le soupçon venait à être consacré sur l'escroquerie, l'abus de confiance, le financement illicite de campagne... Qui est le décideur dans la campagne ? C'est Jean-Luc Mélenchon. Qui recase cette personne après d'autres soupçons au Média en sein de la France Insoumise pour les élections européennes ? C'est Jean-Luc Mélenchon. Cela éclaire d'un jour nouveau les soupçons qui sont notamment judiciaires". Le journaliste précise son argumentation : "Si l'enquête devait confirmer le soupçon qui a présidé à son ouverture, cela signifierait que les sommes incriminées perçues par madame Chikirou l'auraient été à l'occasion d'une campagne présidentielle dirigée par un homme politique avec lequel elle partage une relation intime régulière".

"La nature de ma relation avec Sophia Chikirou est excellente" 

Vendredi, lors d'une conférence de presse, Jean-Luc Mélenchon avait été interrogé directement par un journaliste sur la "nature de la relation" qu'il entretient avec Sophia Chikirou. Il avait répondu : "Excellente", avant de regretter qu'une telle question soit posée : "Je perçois parfaitement le caractère insidieux et violateur de vos questions |...] Ma vie privée ne vous regarde pas !". Au gré des révélations sur la relation - quelle qu'elle soit - entre Jean-Luc Mélenchon et Sophia Chikirou, on en sait davantage sur cette dernière, et notamment sur son tempérament.

Sophia Chikirou en coeur d'une enquête de France Info

France Info a publié vendredi 19 octobre une enquête effectuée sur les comptes de campagne de Jean-Luc Mélenchon pour la présidentielle. Rappelons que les comptes ont été validées par la Commission nationale des comptes de campagne fin 2017, mais ses membres avaient toutefois pointé quelques prestations facturées par Mediascop comme présentant "des écarts significatifs avec la grille de cette entreprise". La dirigeante de la société de conseil Mediascop, Sophia Chikirou, était la directrice de communication lors de la campagne de la France insoumise en 2017. France Info remarque une "situation inhabituelle" : "Mediascop employait une dizaine des membres du staff du candidat". Les journalistes qui ont mené l'enquête soulignent que Sophia Chikirou était "à la fois donneuse d'ordre en tant que directrice de la communication et prestataire majeure de la campagne de Jean-Luc Mélenchon".

Sophia Chikirou a-t-elle fixé ses propres prix, en accord avec la direction de la campagne ? France Info a scruté les factures de la société de communication, remboursées par l'Etat. L'ensemble des prestations s'élèvent à près d'1,2 million d'euros, environ 11% du budget total de la campagne de Jean-Luc Mélenchon. Sophia Chikirou aurait personnellement "valorisé son travail à près de 120 000 euros sur les factures de Mediascop, soit 15 000 euros mensuels en moyenne pour huit mois de campagne".

Dans le détail, certaines facturations se révèlent assez curieuses. Sept épisodes de l'émission "Esprit de campagne" ont été mis en ligne pour des montants compris entre 1 200 euros à 4 800 euros par émission, pour "programmation et élaboration du conducteur" et 3 600 euros pour "préparation des intervenants". France Info pointe aussi des prestations d'extraction audio et de publication sur le compte Soundcloud de Jean-Luc Mélenchon, facturées 250 euros chacune, pour 19 discours de Jean-Luc Mélenchon. Le "sous-titrage de vidéos publiées sur le compte Facebook du candidat" aurait été facturé 200 euros la minute. Les enquêteurs de France Info assurent avoir contacté des sociétés spécialisées dans ce genre de travaux, qui indiquent que les tarifs sont généralement autour de 15 euros la minute pour 30 minutes de travail.

Sophia Chikirou, une pro en politique

La communicante du parti La France Insoumise s'est très vite intéressée à la politique. A l'âge de 18 ans, sans attendre, elle prendra sa carte d'adhérente au Parti socialiste et militera à Paris après ses études. De 2002 à 2017, Sophia Chikirou a été l'attachée parlementaire du député PS Michel Charzat. Mais c'est auprès de Laurent Fabius qu'elle s'est fait un nom, en devant sa porte-parole lors de la primaire socialiste de 2006. Déçue de ne pas avoir été investie par le PS pour les législatives en 2007, elle sera exclu du parti après une candidature dissidente avec Michel Charzat. En 2009, elle rejoindra Jean-Luc Mélnchon au Parti de gauche et deviendra son attachée de presse pour la campagne présidentielle de 2012.