Les robots au boulot : personne ne sait à quoi s’attendre

Les robots au boulot : personne ne sait à quoi s’attendre

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Par Thibault Prévost

Publié le

Plus de boulots créés que perdus… pour des employés spécialisés

Alors, il va ressembler à quoi, ce soulèvement des machines ? Certainement pas à Blade Runner, et plutôt à Wall-E, selon le rapport. Les robots humanoïdes, qui peuplent encore trop l’uncanny valley ( le concept selon lequel certaines formes de robots réalistes mettent les humains trop mal à l’aise pour être utilisées). Place donc, dans un premier temps, aux robots stationnaires, comme ceux qui peuplent les lignes d’assemblage des constructeurs automobiles ou Daisy, le robot d’Apple censé démonter des iPhones à la vitesse du son que personne n’a encore réellement vu fonctionner.
Premiers secteurs touchés par les invasions mécaniques : la poste, les secrétariats, les centres d’assistance clientèle et, évidemment, la majorité des boulots liés à des chaînes d’assemblage, toujours les premiers touchés par la mécanisation de la production industrielle. Selon le rapport toujours, 75 millions d’emplois devraient donc disparaître dans les années qui viennent… mais bonne nouvelle, ils devraient être remplacés par 133 millions de nouveaux emplois “mieux adaptés à la division nouvelle entre humain, machine et algorithme”.
En clair, des professions où il ne s’agit ni de calculer très rapidement, ni d’effectuer des gestes très précis, ce qui laisse encore de la marge. Au hasard, des développeurs et ingénieurs, tiens, dont la demande serait en constante augmentation. Ou, dans le pire des cas, ces “bullshit jobs”, tels que baptisés en 2013 par David Graeber, qui consistent en gros à vérifier que les machines font bien le boulot demandé. Petit souci, tout de même :”en 2022, pas moins de 54 % des employés devront obligatoirement améliorer leurs capacités. Parmi eux, environ 35 % devront suivre une formation allant jusqu’à six mois“, prévient le rapport. En gros, mise à jour obligatoire pour tout le monde.

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La fin du capitalisme… ou son apogée

On le sait depuis plusieurs années déjà, tenter de prédire l’impact du progrès technologique (robotique, informatique ou algorithmique) sur le monde du travail (en peignant avec soin différents degrés de dévastation) est le passe-temps préféré des organisations économiques et autres think tanks, le plus souvent libéraux, qui rivalisent de prédictions dévastatrices annonçant pêle-mêle la fin du travail, de l’économie de marché, du capitalisme et de notre civilisation tout entière dans un grand nuage de poussière. Sauf qu’au fond, une fois les oracles des dernières années rassemblés en un joli tableau (notamment par le MIT Technology Review, à qui il faut bien tirer le chapeau), on s’aperçoit que… personne n’est d’accord sur rien.
Pourquoi ? Parce que contrairement à la loi de Moore ou aux cycles de Kondratiev, l’influence combinée de la robotique et de l’IA sur le travail n’est pas quantifiable. En premier lieu car elle dépend du rythme auquel ces technologies pénétreront les entreprises. Rythme qui dépend de décisions politiques prises… par des êtres humains. Or, pour le moment, la robotisation n’est pas (encore) un investissement assez rentable pour que des secteurs pourvoyeurs d’emplois (notamment le tertiaire) s’y jettent.
Oui, l’automatisation progressive d’une partie des tâches de production courantes signifie nécessairement de repenser notre rapport au travail dans les décennies à venir – et c’est pour ça, notamment, que vous entendez de plus en plus parler de revenu universel, un concept qui aurait rendu malade un capitaliste des années 1960. Pour certains, comme Jeremy Rifkin, l’automatisation signifie la fin du capitalisme tel que nous le connaissons. Dans La nouvelle société du coût marginal zéro, l’économiste hétérodoxe (du moins aux États-Unis) prédit qu’en 2050, non seulement nous ne travaillerons plus, mais que tout sera gratuit. Comment ? Les robots s’occuperont de tout, l’énergie sera propre et inépuisable, et les imprimantes 3D auront signé la fin de la production de masse. Pour le moment, nous en sommes encore très loin.
Pour d’autres experts, notamment de la presse tech spécialisée, l’avènement de la robotique pourrait bien au contraire signifier l’apogée du capitalisme et la réalisation des pires craintes de Marx : le mouvement de concentration des élites financières, exponentiel depuis le passage au XXIe siècle, et la part de richesse captée par cette élite, pourrait s’accroître encore dans un environnement “libéré” de la masse salariale. Un autre scénario verrait l’émergence d’une chaîne de production entièrement automatisée, dénuée de toute compétition et dominée par quelques conglomérats privés qui subviendraient à tous les besoins d’une population consommatrice maintenue dans un état d’oisiveté béate – ce qui, pour certains observateurs, constitue l’étape de parachèvement du système capitaliste qui garantirait une paix et une prospérité infinies à chacun… au prix de l’aliénation de tous. Et Wall-E devient alors bien plus dystopique que Terminator.