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Clémence et Louise : les demoiselles de Jean Rochefort

A gauche, Louise, 28 ans, la cavalière, à Auffargis. Avec Nashville III, le grand-père de tous ses chevaux : « C’est papa qui l’a fait naître. » A droite, Clémence, 26 ans, la comédienne, au bois de Boulogne. La benjamine des enfants Rochefort n’aime pas quitter la capitale où elle s’apprête à débuter sur les planches.
A gauche, Louise, 28 ans, la cavalière, à Auffargis. Avec Nashville III, le grand-père de tous ses chevaux : « C’est papa qui l’a fait naître. » A droite, Clémence, 26 ans, la comédienne, au bois de Boulogne. La benjamine des enfants Rochefort n’aime pas quitter la capitale où elle s’apprête à débuter sur les planches. © Kasia Wandycz / Paris Match
Par Virginie Le Guay , Mis à jour le

Louise et Clémence, les deux dernières filles de Jean Rochefort, partagent les passions de leur père, théâtre et équitation.

Louise fuit les mondanités et étouffe en ville. De Paris, où, jeune bachelière, elle est venue vivre « contrainte et forcée », le temps de faire l’IESA (Institut d’études supérieures des arts), elle garde un souvenir « atroce » et s’est juré de ne plus y revenir autrement qu’en coup de vent. Installée aujourd’hui à Auffargis, elle « s’émerveille » d’ouvrir, chaque matin, ses volets sur la grande pelouse bordée d’arbres centenaires.

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Cette propriété, elle la connaît depuis son enfance : c’est là que ses parents l’ont élevée, avec sa sœur cadette Clémence. Aujourd’hui, l’aînée des deux enfants de Jean et Françoise Rochefort y vit seule. Levée à 7 heures, couchée à 22 h 30, la jeune femme mène de front le nettoyage des écuries, l’entretien et la monte de ses cinq chevaux (Tulipe Fanfan, Vavavoum, Quartouche, Amarcord et Uzak). Seule sa passion pour les concours hippiques la déloge de son domaine.

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Son quotidien est éreintant : les chevaux peuvent se blesser, son groom se faire porter pâle, elle-même avoir des problèmes de lombaires à force de soulever des bottes de paille… Mais Louise, dont la ressemblance physique avec son père est frappante, ne changerait de vie pour rien au monde : « Lorsque je me dirige vers les écuries, mon cœur vibre », reconnaît cette forte personnalité qui n’avait pas 3 ans quand elle est montée sur son premier poney. Titulaire depuis 2014 d’une licence professionnelle, elle se souvient de sa fierté à chaque Galop passé (7 au total) et des encouragements vibrants de son père, lui-même grand cavalier. « J’aurais choisi d’être boulangère ou acrobate, il aurait manifesté le même enthousiasme. “Faites ce que vous voulez”, nous répétait-il. Il avait gardé un souvenir cuisant de la réaction de son père lorsqu’il lui avait annoncé son intention de devenir comédien. »

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Louise : "Papa assistait à tous mes concours. Il me poussait toujours à me dépasser"

« Seul le travail paie », assure cette persévérante qui prépare d’arrache-pied le Longines Paris Eiffel Jumping (du 5 au 7 juillet). Selon Virginie Coupérie-Eiffel, ancienne championne de France et organisatrice de cette compétition : « Louise fait partie du premier niveau international, comme l’acteur Guillaume Canet et Eden Leprévost, la fille de Pénélope Leprévost. Elle est bosseuse, concentrée. Elle sait que si quelque chose ne va pas, c’est toujours le cavalier qui est en cause. Jamais le cheval. »

Louise, à 8 ans, dans la carrière, coachée par son père.
Louise, à 8 ans, dans la carrière, coachée par son père. © KW

Seule appréhension pour Louise : l’hommage public qui sera rendu à son père, samedi 7 juillet, à l’occasion de la remise du Trophée Jean-Rochefort. Seront présents l’acteur Michel Blanc, Jean-Maurice Bonneau, ex-entraîneur et sélectionneur de l’équipe de France, Edouard Baer… « Revoir des extraits des films de papa, réentendre sa voix… J’ai peur de m’effondrer. Mais ces cérémonies le font aussi revivre », reconnaît la jeune femme qui, jour après jour, poste des photos de son père décédé il y a neuf mois sur les réseaux sociaux. Louise aime réécouter avant de se coucher les commentaires cultissimes de son père à l’occasion des Jeux olympiques de 2004 et de 2008. « C’est lui qui, le premier, a eu l’idée de sonoriser les obstacles. Il voulait que le public entende le souffle du cheval, le bruit des sabots, la barre qui tombe, les encouragements du cavalier… Grâce à lui, la compétition de haut niveau est devenue un spectacle avec sa dramaturgie propre, se remémore-t-elle, la voix tremblante. Papa assistait à tous mes concours et quand il était retenu sur un tournage, il suivait les résultats au téléphone. Perfectionniste, il me poussait toujours à me dépasser. Je suis fière de reprendre le flambeau paternel. » 

Billetterie du Paris Eiffel Jumping sur pariseiffeljumping.com

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Clémence : Devenir comédienne, oui, mais comment le dire à mon père ? J’avais peur de sa réaction 

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Ce n’est que récemment que Clémence s’est rendue à l’évidence : elle sera comédienne. Une vocation à laquelle elle s’est longtemps refusée. « Je ne voulais pas être une énième “fille de”. Il a fallu cet accident », raconte l’élève du cours Pygmalion, où elle termine actuellement sa scolarité.
Fin 2015, partie en Australie pour « un break » de six mois, elle se blesse grièvement au genou et rentre plus tôt que prévu. Les médecins ordonnent un mois d’immobilisation complète. L’occasion pour cette jolie brune, alors en plein chaos sentimental, de se remettre en question. « J’étais paralysée par le chagrin et le doute. Mon corps était à l’arrêt. Ma tête, en vrac. Qu’allais-je faire de ma vie ? »

Clémence aux César, en 2015. Elle adorait accompagner son père aux remises de prix du cinéma.
Clémence aux César, en 2015. Elle adorait accompagner son père aux remises de prix du cinéma. © KW

Pour se refaire une santé, Clémence s’installe rue de l’Université, dans l’appartement parisien de ses parents. Cette cohabitation la rapproche de son père. « Nous n’avions pas passé autant de temps ensemble depuis longtemps. Je crois qu’il me prenait pour une fille futile qui ne parlait que mode et vernis à ongles. Nous avons réappris à nous connaître. » Progressivement, elle s’enhardit. « Devenir comédienne, oui, mais comment le dire à mon père ? J’avais peur de sa réaction. Combien de fois l’avais-je entendu dire que le métier d’acteur était cruel… Qu’il fallait avoir la rage pour réussir ! Avais-je cette rage ? »

Après bien des tergiversations, elle se jette à l’eau, s’inscrit en secret aux studios Pygmalion qui forme des comédiens, s’immerge dans les textes classiques, se fait de nouvelles amies et multiplie les allers-retours entre son studio du VIIe arrondissement, où elle vit avec Ninie, l’ancienne chatte de son père, et Montrouge où se tiennent ses cours. Un jour, Clémence rend visite à Jean, fatigué par une mauvaise grippe, et lui dit tout. « Fonce ! Il n’y a pas de temps à perdre », lui répond-il. Le soulagement est immense. Lorsque son père est hospitalisé à Saint-Joseph, en septembre 2017, elle lui rend visite quotidiennement, parfois plusieurs fois par jour. « Je voulais être là. C’était essentiel pour moi. On s’est tout dit, je crois. Je me sens en paix. »

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Clémence, qui va souffler ses 26 bougies cet été, avoue toutefois : « J’ai repris mes cours dès le lendemain de l’enterrement. J’avais besoin de me noyer dans le travail. Aujourd’hui, j’ai tout le temps les larmes aux yeux. » Très présente, sa « marraine », l’actrice Marthe Keller, l’accompagne sur cette route qu’elle connaît si bien. « Marthe est bienveillante et sage. C’est étrange, pour moi, de me dire que je deviens actrice au moment où mon père disparaît. »

Longtemps, Clémence a suivi ses cours dans l’anonymat le plus complet. « Je ne voulais pas de traitement de faveur. Certains élèves de ma promotion n’ont toujours pas fait le lien avec mon père. Ceux qui étaient dans la confidence avaient consigne de se taire. » Inlassablement, elle regarde les photos de son enfance insouciante, aujourd’hui si loin. « Vivre à la campagne nous a protégées. Nous avons eu une jeunesse joyeuse, mais stricte. L’école ne comptait pas pour papa, qui se fichait de nos résultats, mais il nous donnait des conseils de lecture : Camus, Hugo, Céline… Lui-même s’était mis à lire tardivement et le regrettait. Il pouvait être absent six mois. Quand il revenait, c’était la fête. Ces dernières années, j’étais inquiète à l’idée qu’il lui arrive quelque chose. Lorsqu’il a commencé à se sentir fragile, il m’a prévenue : “Ma puce, tu vas te retrouver sans papa. Suis ta route, sois forte. Ne lâche rien !” »

En ce début d’été, Clémence a conscience du chemin parcouru. « J’ai appris la solitude. Cela ne me fait plus peur. Je sais enfin où je vais. » 

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