HANDICAP - J’ai une surdité profonde et je ne peux entendre les conversations au téléphone. J’avais passé toute une vie à me passer du téléphone. Mails, SMS, tchat... Et quand il le fallait absolument (“allô le plombier”), ce n’était pas compliqué: je demandais à une amie ou à un voisin.
Or, aujourd’hui, le téléphone est accessible. Depuis 2018 c’est même devenu un droit en France: tous les Français peuvent télécharger une application qui sous-titre les appels gratuitement.
Avec ces nouvelles technologies de sous-titrage d’appels, il est possible de suivre une conversation malgré sa surdité, en lisant la transcription en temps réel sur l’écran de son téléphone de tout ce que son correspondant dit. Instantanément. Désormais, on peut appeler tous les numéros qu’on veut, quand on veut et sans attendre quiconque. On peut appeler à l’étranger et à n’importe quel moment de la journée, 24 h/24, 7jours/7.
Et... mais du coup... qui allais-je appeler??
J’ai un aveu à vous faire
Au début, j’appelais peut-être 1 ou 2 fois par semaine... et encore il fallait que je pense à m’en servir.
Donc oui, j’avoue. J’avais enfin un moyen d’appeler, avec une application qui sous-titre mes appels, mais pendant un an je ne m’en suis pratiquement pas servi.
Aujourd’hui, je passe 2 à 3 heures d’appels par jour.
Comment suis-je passé d’un usager timide à un accro du téléphone?
Ce n’est pas vous, c’est les autres
Un jour j’ai décidé d’ajouter mon numéro de téléphone à ma signature de mail. Ça a été le choc. Mes contacts se mettaient à m’appeler ou à me proposer des rendez-vous téléphoniques.
Mon téléphone s’est mis à sonner beaucoup plus souvent! Certes c’est parfois irritant d’être interrompu à tout moment. Mais le gain en réactivité et en facilité est immense. Je ne pourrais maintenant plus revenir en arrière.
Je ne pense pas forcément à utiliser le téléphone, mais mes contacts eux ont l’habitude d’appeler! Partager mon numéro de téléphone a tout changé.
Apprenez les codes
La plus surprenante découverte du téléphone pour moi? Le mot “d’accord”.
Lorsqu’on est face à son interlocuteur, on a toujours tendance à hocher de la tête pour indiquer que l’on comprend et qu’on suit ce qu’on nous dit. On le fait tous, inconsciemment. Au téléphone, on ne peut pas hocher de la tête! Alors comment fait-on? Je ne me suis même pas posé la question. J’avais tendance à lire les sous-titres qui défilaient sur mon écran sans rien dire et à répondre une fois que la transcription s’arrêtait. Bien souvent, mon interlocuteur me disait “allô, allô, tu es là?”. Je trouvais ça surprenant et je répondais “oui, oui, je suis là”... évidemment!
J’ai mis du temps à comprendre qu’il fallait verbalement indiquer à son interlocuteur qu’on est à l’écoute et qu’on est présent. Et pour faire ça, il faut dire “d’accord” ou “hum hum” tout au long de la conversation!
Soyez pilote!
Oser téléphoner, c’est d’abord accepter que l’expérience soit différente d’une conversation en face à face. J’ai dû me dire “détends-toi, personne ne te juge, ça se passera bien!”
Le plus important, c’était d’être présent dans la conversation. De ne pas avoir peur de répéter ou d’expliquer. Et de faire répéter si je ne comprenais pas.
Plus j’étais actif pendant la conversation et mieux cela se passait.
Et je ne suis pas seul.
Plus de 500.000 personnes en France ne peuvent téléphoner à cause de leur surdité.
Alors, ne restez pas isolé pendant les fêtes, appelez vos proches, osez le téléphone!
À voir également sur Le HuffPost: Un jour, tout le monde pourra appeler le Président (même les malentendants)