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Migrations et identité: Le dilemme de la droite allemande

Tribune. Guillaume Arquer est élu Conseiller Consulaire des Français d'Autriche, Slovaquie et Slovénie et cadre des Républicains. 

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Le ministre allemand de l'Intérieur, Horst Seehofer (à droite) et le chancelier autrichien Sebastian Kurz. La droite allemande, confrontée aux conséquences de sa politique migratoire, est à la croisée des chemins. Photo © Emmanuele Contini / NurPhoto / AFP

Après le chamboulement du paysage politique français qui, même s’il est loin d’être achevé, dessine, jour après jour, de nouvelles lignes de fracture idéologique, c’est au tour de l’Allemagne de commencer à ressentir, politiquement parlant, des secousses sismiques.

La chancelière Angela Merkel, qui a débuté dans la douleur son quatrième mandat, avec une coalition comprenant des forces politiques ayant des feuilles de route différentes, commence à faire les frais de l’incohérence du montage gouvernemental qui lui a permis de rester au pouvoir. Un certain nombre d’évènements sont venus accélérer ce mouvement que les observateurs politiques avisés détectaient déjà depuis plusieurs années. Les changements sociétaux instaurés du temps du chancelier Schroeder concernant l’accession à la nationalité allemande (cf. la doxa de Terra Nova), qui ont permis à nombre de citoyens extracommunautaires, notamment turcs, de devenir citoyens allemands, avec le réservoir potentiel de voix que cela représente pour les gauches allemandes, ont été, au début des années 2000, le coup de semonce de la tendance qui s’accélère aujourd’hui. Puis, il y eut l’ouverture des frontières décidée par la chancelière actuelle à près d’un million et demi de migrants moyen-orientaux en 2015, les viols massifs de la nuit du nouvel an à Cologne en 2016, suivis des attentats terroristes du Christkindlmarkt à Berlin à la fin de l’année 2016, les attentats de Augsburg, et enfin l’accélération des réformes sociétales défendues avant tout par les gauches, peu avant les élections fédérales de 2017, qui furent marquées par une victoire pyrrhique de la coalition CDU-CSU et par le bon résultat des populistes de l’AfD (cousins idéologiques du RN ex-FN). La dernière séquence en date fut le viol d’une jeune allemande par des réfugiés irakiens. Nous sommes donc à une croisée des chemins, probablement à un point de non-retour, autant politique que sociétal.

L’incohérence gouvernementale actuelle n’est pas tellement un choc entre la gauche socialiste et la droite conservatrice « alliées » dans l’actuel gouvernement, mais reflète en réalité la lame de fond qui traverse le camp libéral-conservateur représenté au niveau fédéral par l’alliance CDU-CSU. A la différence d’une bonne partie de la garde rapprochée de la chancelière, les bases de la CDU (particulièrement les jeunes de la JU), situées hors des centres urbains boboïsés, ne se reconnaissent plus dans cette union qui ne porte plus de chrétienne-démocrate que le nom. En revanche, la Bavière, gouvernée depuis presque toujours par l’Union Social-Chrétienne (CSU) sur la base d’un accord réciproque de longue date au niveau fédéral avec la CDU, maintient à la fois une base électorale mais aussi un corpus idéologique très solides. Cette formation politique s’est opposée à la feuille de route idéologique de la chancelière tout en assurant, tradition allemande de compromis oblige, la stabilité gouvernementale. Il semble que ce temps soit révolu.


“Le refus de Merkel de valider le projet du ministre fédéral de l’Intérieur, Horst Seehofer, qui prévoit le renvoi systématique à la frontière allemande des demandeurs d’asile déjà inscrits dans un autre pays de l’Union européenne, est peut-être en passe de provoquer la crise de trop qui clarifiera les lignes politiques des uns et des autres”


L’émergence de la nouvelle droite du jeune chancelier conservateur Sebastian Kurz de cette Autriche dont les bavarois sont historiquement frères, le chaos migratoire, la pression bien-pensante islamo-gauchiste, l’angoisse terroriste, la constitution du groupe de Visegrad (Hongrie, Pologne, Tchéquie et Slovaquie), ainsi que l’accession aux responsabilités du nouveau Conseil Italien rebattent les cartes au sein de la droite allemande. La réponse négative de la chancelière de valider le projet du ministre fédéral de l’intérieur issu de la CSU, le bavarois Horst Seehofer, qui prévoit le renvoi systématique à la frontière allemande des demandeurs d’asile déjà inscrits dans un autre pays de l’Union européenne, est peut-être en passe de provoquer la crise de trop qui clarifiera les lignes politiques des uns et des autres. D’un côté, un reste de CDU avec à sa tête une chancelière Merkel qui, en se déportant idéologiquement à bâbord du centre de gravité du Parti Populaire Européen, a épousé toute la doxa des bien-pensants de tout poil qui, depuis la gauche jusqu’au centre-droit mou crypto-macronien, prônent un fédéralisme no-border économique et sociétal, ainsi qu’une « identité heureuse » aux relents angéliques et victimaires. De l’autre, à l’image des Républicains en France, l’émergence d’une vraie droite sociale et patriote, regroupée autour de la CSU, des libéraux du FDP et d’une base rurale conservatrice et jeune de la CDU, fière de ses racines, comptable d’un bilan plus qu’enviable (la Bavière ne compte que 2,5% de chômeurs et a un revenu moyen par habitant de plus de 30% supérieur à celui de la France et un endettement quasi nul), enracinée dans les terroirs, soucieuse de préserver ce qui peut encore l’être et de ce que devrait représenter tout parti conservateur européen. 

Les lignes bougent en Allemagne et dans toute l’Union Européenne. Souhaitons pour le bien commun de notre civilisation greco-judéo-chrétienne que nous, conservateurs, ne soyions pas les perdants de cette recomposition, mais, au contraire, à l’instar de la droite autrichienne et bientôt bavaroise, les moteurs de cette nouvelle ère rédemptrice qui est encore possible pour notre tendre et chère Europe.

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