Étude : l’effet « bouba-kiki » retrouvé dans plus de 20 langues

Une étude linguistique souligne l’effet « bouba-kiki » (correspondance non arbitraire entre la forme d’un objet et sa prononciation) dans plusieurs langues.

Source AFP

Temps de lecture : 3 min

Les langues du monde entier regorgent de secrets. Une nouvelle étude linguistique vient d’en mettre au jour un tout nouveau. Il concerne l’effet dit « bouba-kiki ». Pour une personne parlant japonais ou suédois, et pour plus de vingt langues, on associe volontiers le mot bouba à une forme ronde et kiki à une forme pointue, selon une nouvelle étude confirmant la force de cet effet aux ressorts encore inexpliqués. L’étude des langues a longtemps conclu au caractère arbitraire de la correspondance entre un mot et son sens. « Le mot chien est différent en français, en anglais (dog) et en allemand (Hund), et n’évoque rien de “canin” si on ne l’a pas appris », dit à l’Agence France-Presse la doctorante Aleksandra Cwiek, du Centre Leibniz de linguistique générale, à Berlin.

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Avant d’ajouter que la recherche se penche de plus en plus sur le concept d'« iconicité » du langage, c’est-à-dire « la ressemblance entre la forme ou le son d’un mot et le sens de ce qu’il décrit ». Les onomatopées comme boum ou bang en sont l’exemple le plus parlant. Les auteurs de l’étude, parue lundi dans la revue Philosophical Transactions B (Royal Society) et menée par Aleksandra Cwiek, citent une publication scientifique de 2016 : elle concluait qu’une forte proportion de mots de base dans plus de 4 000 langues partagent des sons spécifiques. Par exemple le mot petit, dont le son se retrouve en russe comme en indonésien ou en kurde.

À LIRE AUSSI Spécial cerveau – Que sait-on aujourd’hui du cerveau humain  ?« Cette correspondance intermodale crée une relation entre les dimensions sonore et visuelle », poursuit la doctorante. La recherche étudie aussi les liens entre les sons et le sens du toucher, ou encore leur modulation, avec par exemple un ton aigu pour évoquer une « petite chose » et plus grave pour une « grosse colère ».

Albanais et zoulou

L’étude a repris une expérience initiée au milieu du XXe siècle par un psychologue allemand avec deux mots inventés, maluma et takete, puis testée à petite échelle au début du XXIe siècle avec bouba et kiki : deux formes inspirées d’une tache d’encre à sept branches, dont la première n’est que courbes et rondeur, quand l’autre est pointue avec des branches acérées. Avec le constat qu’on associe majoritairement bouba à la forme ronde et kiki à celle pointue.

Cette fois, les chercheurs ont testé plus de 900 locuteurs de neuf familles de langues, de l’indo-européenne à la coréenne, comprenant au total 25 langues allant de l’albanais au zoulou en passant par le japonais et le turc. On leur a présenté les deux formes et fait écouter aléatoirement un seul des deux mots, avant de l’attribuer à la forme de leur choix. Résultat : plus de 70 % en moyenne des personnes testées ont confirmé l’effet bouba/kiki. Les locuteurs de 17 langues sur les 25, dont le japonais et le suédois, ou le français et le zoulou, ont validé systématiquement cet effet à plus de 50 %, c’est-à-dire au-delà du seuil attribuable au seul hasard.

À LIRE AUSSI Comment l’idéologie a fait main basse sur les motsSi l’expérience a été un peu moins probante pour cinq autres langues, dont le portugais, le persan ou l’arménien, elle a échoué pour le chinois, le roumain et le turc. Pour ces cas, Aleksandra Cwiek suppose que la « structure linguistique de ces langues peut surmonter l’effet ». Par exemple, en chinois ces sons ont été importés, et peuvent ne pas paraître naturels.

Le « son des couleurs »

Les auteurs de l’étude insistent sur le fait que leur expérience ne vise en aucune manière à démontrer que l’effet bouba/kiki est universel, mais bien interculturel. Ils supposent un lien entre la structure du son et la forme présentée. Avec bouba, « le ton, la fréquence de base, est continue, et plus ronde grâce à cela, la vocalisation continue donne un effet plus chaud », dit Aleksandra Cwiek. À l’inverse, en prononçant kiki, « on voit que la forme acoustique est plus pointue ».

Les chercheurs n’excluent pas bien entendu d’autres facteurs, d’ordre neurologique, avec des liens entre cortex visuel et auditif, notamment. Et plaident pour étendre la recherche à des liens entre sons et taille, toucher, couleurs ou autres. Après tout, si le poète français Théophile Gautier expérimentait sa perception du « son des couleurs » après une prise de haschisch, bien avant lui, Platon « disait que les mots ont un sens naturel », note Aleksandra Cwiek.

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Commentaires (6)

  • mustel

    Absolument passionnant ! Et ça sert à quoi sinon à faire vivre le "chercheur" ?

  • Rela3 ou Lepoint2019

    Nous savons tous, depuis l'utilisation du courrier électronique qu'il faut épater les lecteurs pour se faire une réputation ! Mais de là à penser qu'une "doctorante en linguistique" est payée pour se livrer à ce genre de petit jeu !Oh ! C'est plus drôle que les théories d'un certain dictateur, mais, réellement
    qu'est-cet que cela apporte à l'Humanité ?
    Pourquoi pas guiliguili et glouglou, l'un vous faisant mourir de rire, l'autre vous noyant dans l'eau, le vin ou la vase... Avec une bulle qui remonte à la surface et fait "glop ! "...
    S'il vous plait trouvez autre chose pour nous instruire !

  • Checasino

    Rien compris, à part ´ c’est parti mon kiki ´.