Encore une pierre dans le jardin de Nicolas Hulot. Alors que le ministre de la Transition énergétique vient de faire un bilan en demi-teinte de son plan climat, reconnaissant que "le changement n'était pas à l'échelle" de l'objectif neutralité carbone en 2050, l'association négaWatt souligne la faiblesse de certaines des mesures qui ont été prises par l'actuel gouvernement. Cette association indépendante composée d'une vingtaine de chercheurs et experts spécialistes de l'énergie prône un changement radical de la politique énergétique de la France et notamment un abandon total à moyen terme du nucléaire. Dans leur dernière note, ces anti-atomes affirment que les décisions actuelles pourraient entraîner la France dans une "désastreuse spirale d'échec". Mais leurs suggestions ne feront pas plaisir à tout le monde.

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Pas assez de rénovation des logements

La stratégie nationale bas carbone (SNBC) a fixé au secteur du bâtiment, premier consommateur d'énergie, un objectif ambitieux: rénovation de l'ensemble du parc de logements au niveau BBC (bâtiment basse consommation) en 2050. Ce plan commet deux erreurs "qui vont lui coûter sa réussite", selon négaWatt. D'abord, les rénovations se font en général par étapes, ce qui entraîne des coûts plus élevés pour une efficacité moindre.

Ensuite, le gouvernement ne prévoit que des incitations fiscales pour décider les propriétaires à se lancer dans les travaux. Dans les autres pays européens, ce système n'a permis de réaliser que 3% des objectifs annuels de rénovation. NégaWatt suggère de passer à la manière forte, en rendant obligatoire la rénovation complète et performante dès qu'un bien change de main. Pour financer tous ces travaux, les banques seraient mises à contribution pour accorder plus de prêts à taux zéro.

Trop de déplacements routiers et aériens

Deuxième chantier, celui des transports. Ce qui chiffonne négaWatt, c'est que la SNBC prévoit une augmentation du trafic parallèle à la croissance de la population. Ce qui donne par exemple 16% de fret routier en plus par rapport à aujourd'hui en 2050. Pour faire diminuer la consommation d'hydrocarbures, les pouvoirs publics misent sur l'électrique et les biocarburants plutôt que de chercher à tous prix des énergies de substitution. NégaWatt propose donc de donner un grand coup de frein. Dans son scénario, il faut faire baisser de 43% le trafic des véhicules légers et de 61% le fret.

Par quels moyens? La vitesse sur autoroute serait limitée à 110 kilomètres/heure et une redevance kilométrique serait mise en place pour les poids lourds. Tandis que l'autopartage et les déplacements à vélo seraient favorisés. Il s'agit aussi de développer le télétravail. Et à l'heure des vacances, le trafic aérien en prendrait aussi pour son grade: négaWatt propose de mettre fin aux exemptions de taxes dont il bénéficie.

EDF trop engagée dans le nucléaire

Dernier point qui fait sortir à négaWatt son carton rouge, la politique de la France en matière de nucléaire. Si le gouvernement conserve l'objectif de parvenir à 50% d'électricité provenant de l'atome, contre un peu plus de 70% en 2017, il n'a pas fixé d'échéance et n'a encore adopté aucun calendrier de fermeture des centrales. Dans le même temps, EDF fait tout pour conserver sa capacité de production de 63,2 gigawatts, en prolongeant la vie des vieux réacteurs et en prévoyant de construire une nouvelle génération (EPR) quand le parc ancien arrivera en fin de vie. Une "fuite en avant", très gourmande en capitaux pour cette entreprise endettée, sous prétexte que la consommation va augmenter, et que le nucléaire, décarboné, serait une industrie d'avenir.

"L'enjeu ne se résume pas aux émissions de CO2", tacle l'association en rappelant la catastrophe nucléaire de Fukushima, et la délicate question du stockage des déchets. Le seuil de 50% ne devrait donc être qu'une étape avant de parvenir en 2050 à 100% d'électricité d'origine renouvelable, éolienne et photovoltaïque en premier lieu. En 2017, celle-ci ne représentait que 18,4% de l'électricité consommée, un chiffre en légère baisse par rapport à 2016. NégaWatt estime donc que la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), qui va décider du cap suivi pour la période 2019-2028, doit enfin trancher en adoptant une trajectoire "vertueuse" de réduction de la capacité nucléaire de la France.

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