La popularité de Purcell repose depuis le vingtième siècle sur le court et intense Didon et Enée et trois « semi-opéras » mêlant théâtre et musique. En marge de ces ouvrages subsistent beaucoup de fragments d’œuvres incomplètes qui témoignent de la brève mais fructueuse collaboration du compositeur avec le théâtre londonien de Drury Lane. C’est donc un florilège de pièces de genre rarement données, saynètes et songs que le public du Théâtre des Champs-Élysées a pu apprécier ce 8 mars. Depuis sa distinction comme Révélation musicale en 2014 (Syndicat professionnel de la Critique), l’ensemble Les Surprises crée par Juliette Guignard et Louis-Noël Bestion de Camboulas ne cesse de ressusciter de nombreux manuscrits oubliés et apporte un soin tout particulier à la cohérence musicale de ses programmes.

Ce matin, l'ouverture des Rival Sisters place d’emblée la barre très haut, la maîtrise technique est au service d’un discours parfaitement conduit où le jeu instrumental sait s’adapter aux conditions acoustiques. L’entente des pupitres est excellente, la confiance mutuelle atteste un long travail en commun. Les voix intermédiaires (belle partie d’alto de Lika Laloum) sont détaillées avec élégance et, fait rare dans les jeunes ensembles baroques, on observe un soin particulier à l’équilibre dynamique entre les différents pupitres. La réalisation propose une synthèse des styles français et italien totalement assimilée, exempte de clichés, entièrement au service d’une expressivité commune à laquelle le chef imprime une certaine souplesse agogique.

Dans un tel écrin, les chanteurs prennent sans peine leurs points de repère et trouvent un plaisir évident à assortir couleur vocale et timbre instrumental. Le baryton Etienne Bazola déploie une palette expressive très efficace dans le « There’s nothing so fatal as a Woman », son aisance dans la langue de Shakespeare et la projection superbe ne laissent dans l’ombre aucun détail de cette charge ironique contre le genre féminin. La virtuosité d’« Anacreon’s Defeat » signale une parfaite fusion des registres et un legato souverain, qualités qu’il partage avec Eugénie Lefebvre. La rondeur de timbre de la jeune soprano, la vocalité fluide et la noblesse de ton se combinent au jeu en style luthé de Bestion de Camboulas dans « Sleep, poor youth ». Belle découverte que ce « There’s not a swain », version vocale d’un fameux Hornpipe de la Reine des Fées où la soprano se plaint de son soupirant tout en gardant une réserve calculée et pleine de charme.

Peut-être moins incarnées, les pièces célèbres (Music for a While, « What power art Thou », O Solitude, Dido’s Lament) ne semblaient pas indispensables à la cohérence du programme, mais la séduction instrumentale apporte une lecture neuve à ces pages maintes fois visitées. La pertinence de la réalisation, le confort d’un continuo « historiquement informé » et devrait-on dire ici « musicalement inspiré » volent en la circonstance la vedette aux chanteurs. Tout au long de ce concert plein de fantaisie, les vents ne sont pas en reste et rivalisent d’expressivité : le très beau solo de hautbois dans The Indian Queen et les flûtes à bec dessinent les caractères avec grâce et avec un aplomb remarquable. Un jeune ensemble d’une belle maturité.

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