L’artiste s’est donc délestée des attributs qui étaient sa marque jusqu’ici sur scène, entre coupe au carré et combinaison qui faisait penser à celle d’Uma Thurman dans le film de Quentin Tarantino. Plus besoin de jouer un personnage. « Caméo » s’aborde comme un autoportrait, en témoigne la pochette en hommage à l’une des photos les plus connues de Vivian Maier. Et le premier morceau s’intitule « Océane », son vrai prénom. « Avec cet album, je me présente de façon plus officielle. Pour “Toï Toï” (premier album), j’avais le carré, la combi, le blaze piqué à mon arrière grand-mère. Je l’avais scénarisé ce rêve de premier disque depuis le restaurant où je bossais avant de percer dans la musique, confie-t-elle à l’AFP. Tout a pris vie au-delà de mes espérances (elle a fait récemment son premier Olympia) et, maintenant, avec ce public qui me donne amour et bienveillance, j’ai pu enlever quelques couches. Il ne fallait pas que Suzane, celle qui ose, qui n’a pas peur, occulte Océane. C’est comme ce moment où le super-héros enlève sa cape et rentre chez lui : c’est à cet endroit que j’invite les gens avec “Caméo” ».
Ce second album propose des morceaux taillés pour le dancefloor mais « un piano est arrivé à la maison » et « Caméo » gagne par endroits aussi en « mélodie et harmonie » par rapport à “Toï Toï “(cri d’encouragement du milieu de la danse, sa première formation).
Suzane se raconte au fil de certains titres comme « A la casa » (sur sa famille), « La couleur de l’été » (deuil de proches partis trop jeunes), « Danser » (où elle se moque de son côté casanier avant de narrer une soirée ratée).
« Plaisir féminin »
Mais la Suzane engagée n’est jamais très loin. Des morceaux comme « Un ticket pour la lune » ou « Génération désenchantée » (clin d’oeil à Mylène Farmer) évoquent en filigrane une planète polluée qui ne tourne plus rond.
Ses préoccupations écologiques ne datent d’aujourd’hui. Pour illustrer « Il est où le SAV ? » (morceau de « Toï Toï »), la chanteuse avait tourné une vidéo à Mbeubeuss, près de Dakar au Sénégal, dans une des plus grandes décharges à ciel ouvert au monde. En juin 2021, elle s’était produite en livestream sur la Mer de Glace, au pied du Mont-Blanc, pour alerter sur le réchauffement climatique, avec des recettes reversées à la fondation environnementale GoodPlanet.
Dans son nouvel opus, « Krishna » est dédié à un homme qui avait fui son pays en guerre, le Sri-Lanka, devenu patron du restaurant qui l’avait engagée comme serveuse quand elle venait de débarquer à Paris de son Avignon natal. « Quand on parle d’exil, il faut aussi penser aux réfugiés climatiques qui vont quitter leur pays, j’espère qu’on sera corrects avec eux », rebondit-elle.
Suzane a remisé au placard sa « combi de combat », comme elle dit, mais elle reste militante dans l’âme. « Clit is good », son morceau sur le plaisir féminin, élargit le spectre à la liberté des femmes à disposer de leur corps. Une façon aussi de parler du clitoris, cet organe encore trop mal connu.
Le clip avait été censuré à sa sortie sur des plateformes de vidéo à cause du titre. « On sexualise des femmes pour vendre un yaourt ou une moto mais, quand on parle de désir féminin, les algorithmes paniquent » déplore-t-elle.