Ukraine : dans le froid et sous les bombes, la périlleuse traversée du Dniepr à Kherson

Depuis Kherson, la traversée du fleuve Dniepr est périlleuse. « J’ai déjà eu deux impacts de balles dans mon bateau », confie Oleksiï Kovbassiouk, qui traverse pour chercher des habitants de l’autre côté de la rive.

Olga Chpiniova, 81 ans, rejoint Kherson. Une traversée périlleuse et risquée.
Olga Chpiniova, 81 ans, rejoint Kherson. Une traversée périlleuse et risquée. (Anatolii Stepanov/AFP)

Le moteur de son frêle esquif à plein régime, Oleksiï Kovbassiouk file sur le fleuve Dniepr depuis la ville de Kherson, dans le sud de l’Ukraine. Le trajet est périlleux : il va chercher des habitants qui veulent quitter leurs datchas (maisons de campagne) installées sur la rive gauche du Dniepr, celle où l’armée russe s’est repliée, il y a un mois, après avoir abandonné l’autre rivage et la ville de Kherson aux forces de Kiev. Le long fleuve est désormais la ligne de front.

Les Russes ne sont pas visibles depuis les berges de Kherson, mais les militaires ukrainiens interrogés préviennent qu’il peut y avoir des tireurs embusqués. Les Ukrainiens, eux, font des reconnaissances avec des drones au-dessus de la zone aux mains de l’ennemi.

« J’ai déjà eu deux impacts de balles dans mon bateau »

Sur la rive orientale occupée, en aval de Kherson, l’île Potemkine, longue d’environ huit kilomètres sur quatre de large, abrite plusieurs centaines de maisons de campagne bâties sur les bords de la rivière Prohnii, qui coupe en partie le sud de l’île. La plupart sont désormais inoccupées.

C’est ici qu’Oleksiï Kovbassiouk, 47 ans, s’est rendu ces derniers jours pour apporter de l’aide alimentaire à ceux qui veulent rester ou pour évacuer des habitants qui veulent retourner vivre à Kherson, désormais libérée de l’occupant russe. « Les gens me demandent (de l’aide)… Certains n’ont pas quitté leur datcha (depuis la libération de Kherson), ils ont besoin de pain », confie-t-il à des journalistes de l’AFP, qui l’ont accompagné dans son bateau sur l’île.

La traversée pour rejoindre Kherson est dangereuse.
La traversée pour rejoindre Kherson est dangereuse. (Anatolii Stepanov/AFP)

Naviguer sur le fleuve n’est pas sans risque. « J’ai déjà eu deux impacts de balles dans mon bateau (…) Juste après que (les soldats russes) se soient enfuis sur l’autre rive » durant la première moitié de novembre, raconte le pilote, qui d’ordinaire travaille dans le bâtiment.

La zone industrielle et portuaire au sud de Kherson est régulièrement la cible de tirs de l’artillerie russe. La semaine dernière, à l’endroit où son canot est rangé avec une trentaine d’autres, un obus a creusé un cratère près des embarcations.

Durant le trajet sur le Dniepr, l’air est glacial et les projections d’eau sur les vêtements gèlent instantanément. Arrivé sur l’île après plus de quarante minutes de navigation, Oleksiï Kovbassiouk rencontre Oleksandre Sokolyk, un retraité de 64 ans.

Ce dernier est également venu avec son canot pour évacuer trois personnes. « Oleksiï, je suis si heureux de te voir. Mon frère ! », lance le sexagénaire, dans une accolade chaleureuse sur un ponton près d’une datcha.

Avant l’invasion russe fin février, l’île était un lieu de repos et de calme pour les habitants de Kherson qui y possèdent des résidences secondaires. Mais depuis plusieurs semaines, elle se retrouve au milieu des tirs croisés incessants des artilleurs russes et ukrainiens, postés de chaque côté du fleuve.

« Juste au-dessus de nous »

« En ville (à Kherson), la situation semble meilleure maintenant. Ils ont l’électricité. Ici, il n’y a pas eu d’électricité pendant une semaine. Et toutes les nuits, on est au milieu des bombardements. De gauche à droite, de droite à gauche. Ça vole juste au-dessus de nous », dit Oleksandre Sokolyk en secouant ses mains au-dessus de sa tête.

Coiffée d’un élégant bonnet violet, Olga Chpiniova, 81 ans, abandonne sa datcha et celle de sa fille. Elle rentre à Kherson avec son chien Tocha et deux petits sacs. « Ma fille m’a appelée et m’a dit : « Tu dois partir ! ». Il y avait des bombardements lourds. Et ils ont touché ma maison (…) J’ai eu la chance de me trouver dans la datcha de ma fille à ce moment-là. Cela m’a sauvé la vie », raconte-t-elle.

Elle va aller vivre chez sa sœur, qui vit dans une maison à Kherson. « Je pense que ce sera mieux là-bas que dans mon appartement dans un immeuble sans eau, sans chauffage et sans électricité », se rassure l’octogénaire.

Les autorités avaient prévu d’effectuer des évacuations groupées, avec des ferries, du 3 au 5 décembre, mais aucune n’a eu lieu. « Nous ne pouvons pas organiser de transport régulier sur le fleuve, car les occupants (russes) ne nous laisseraient pas faire », a expliqué à l’AFP le gouverneur de la région de Kherson, Iaroslav Ianouchevitch. « Malheureusement, nous ne pouvons garantir aucune sécurité à ces personnes », qui franchissent le fleuve avec des bateaux de leur propre initiative.

Mardi, lors du trajet retour vers la rive droite après avoir embarqué trois résidents de l’île Potemkine, un obus est tombé juste devant l’embarcation piloté par Oleksandre Sokolyk.

« Je ne sais pas d’où ça venait », a-t-il dit, encore choqué.

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