Vous en souvenez-vous ? c’était le matin du 5 novembre 2018. 9 h 05, à Marseille, les immeubles des 63 et 65 de la populaire rue d’Aubagne viennent de s’effondrer ; on retirera des décombres 8 morts et 2 blessés.
Quelques jours plus tard, le maître de la ville, Jean-Claude Gaudin, tient une conférence de presse, on en trouve quelques minutes sur Twitter
Vers 50 secondes de la vidéo, le maestro déclare à propos des « immeubles en état d’insalubrité » que , « la plupart du temps », ils appartiennent « à des copropriétés privées, quelquefois même à des marchands de soleil (sic)« .
Il ne fallait pas chercher bien loin de la mairie un spécimen de marchand de soleil/sommeil : Xavier Cachard, alors vice-président (Républicain) de la région PACA tenue par Renaud Muselier ; Le Monde avait révélé que l’un des appartement du n° 65 lui appartenait. Par ailleurs, l’élu-proprio’ était l’avocat du syndic de l’immeuble, amusant non ?
Deux ans plus tard, l’adjointe au logement depuis 2008 tout de même, Arlette Fructus, démissionnera sans omettre de balancer quelques cailloux dans le panier de crabes.
Autre marchand de « soleil », un ancien policier qui officiait dans un centre de rétention administrative : Gérard Gallas louait de l’insalubrité à des sans -papiers et des demandeurs d’asile, clientèle pour le moins captive. Voici ce qu’en disait notamment le site de France Info :
Alors que les immeubles s’effondrent, le commerce international du Airbnb, lui, s’épanouit dans Marseille, privant les habitants de possibilités de se loger, un des effets du tourisme massif.
Au fait, que veut dire « Airbnb »,
qui vous a un sympathique petit côté R’n’B (rhythm and blues) ?
Wiki’ nous développe ce nom énigmatique : « airbed and breakfast », autrement dit : matelas gonflable et petit-déjeuner.
« Peu après avoir déménagé à San Francisco en octobre 2007, poursuit Wiki’, deux jeunes designers californiens, Brian Chesky et Joe Gebbia, créent la société AirBed & Breakfast (« matelas gonflable et petit-déjeuner » en français), avec pour devise “Partage un logement, économise de l’argent, rencontre des gens sympas”. Le site d’origine proposait la location à court terme de parties d’appartement, petit-déjeuner compris, à destination de personnes ne pouvant pas réserver un hôtel pour cause de saturation du marché.
Ils ont l’idée alors qu’ils habitaient à San Francisco. Ils savaient qu’un congrès de design de premier plan s’organisait dans leur ville, mais que toutes les chambres d’hôtel avaient été réservées. Ils ont alors décidé de louer une chambre de leur appartement avec trois matelas gonflables (air bed), un petit-déjeuner (breakfast) et un accueil local, à quelques étrangers assistant à l’événement. De là est resté le nom Air bed and breakfast. » Et voilà.
Depuis, le matelas a singulièrement gonflé, bourré de pépètes et faisant le bonheur financier de pas mal d’individus, dont celui-ci…
Le breakfast s’est fait la malle, de même que l’accueil « physique », désormais remplacé, notamment à Marseille, par de chaleureuses boîtes à clés, comme celles que vous pouvez voir en illustration d’un article de 20 minutes.
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Un ouvrage qui vient de sortir, Du taudis au Airbnb, du sociologue Victor Collet, relate avec passion à la fois les désastres des immeubles marseillais délaissés et les effets des agissements du monstre Valisator – les uns étant étroitement liés aux autres –, le tout au son des luttes contre la « requalification » des quartiers populaires.
Valisator, le voici en majesté lors du carnaval militant de la Plaine, un quartier marseillais, en mars 2023, monstre fait de valises, celles des essaims de touristes qui fondent sur les bien pudiquement appelées LCD, « locations courte durée ».
« Du taudis au Airbnb », de la Plaine au Panier, d’effondrements en expulsions, c’est un tableau accablant des grandes magouilles et petits arrangements sur le dos d’habitants dont bien des « décideurs » souhaiteraient tant qu’ils aillent voir ailleurs ; le plus loin possible serait le mieux, et si possible avant les JO.
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« Du taudis au Airbnb –
Petite histoires des luttes urbaines à Marseille »
de Victor Collet,
aux éditions Agone, 15 euros