Le séduisant marché polonais
Avec la meilleure prévision de croissance économique européenne et ses 38 millions d'habitants au niveau de vie sans cesse croissant, la Pologne attire les assureurs convaincus de trouver là toujours plus d'assurés.
AURÉLIE NICOLAS ET MADELEINE VATEL
Àla recherche de nouveaux marchés, les regards se tournent vers l'Est, notamment du côté de la Pologne. Il est vrai que le pays affiche une prévision de croissance pour 2012 plutôt insolente de 2,5% - à titre de comparaison, l'Allemagne table sur 0,6%- , la meilleure de toute l'Union européenne dont elle est membre depuis 2004.
Sous les feux de la rampe à l'occasion de l'Euro de football en juin, le pays voit, contrairement à ses voisins, comme la Hongrie et la République tchèque, sa croissance tirée par une forte demande intérieure. Avec un niveau de vie orienté à la hausse, les besoins en assurance devraient suivre. Selon un rapport publié par le Comité européen des assurances (CEA), la Pologne occupe la onzième place en Europe en termes de cotisations collectées par an, un niveau équivalent à celui du Danemark, de la Suède ou encore de l'Autriche.
Certes, le marché polonais ne représente que 1,2% du marché européen et affiche un total de 13,8 milliards d'euros de primes émises. Le pays s'est développé autour de l'assurance agricole, proche des besoins des clients. En 2011, il compte 29 compagnies en vie et 33 en non-vie, soit 62 assureurs, dont... seulement 8 mutuelles (6 en non-vie et 2 en vie). La part de marché de ces dernières ne dépasse pas 1% en vie et 5% en non-vie. Leur faible nombre est à chercher du côté de l'Histoire. « Le mutualisme doit faire sa place alors que le régime communiste a rendu les Polonais sceptiques devant tout ce qui peut avoir un caractère collectif, analyse Jan Grzegorz Pradzynski, président de la Chambre polonaise d'assurance (PIU). Mais il ne faut pas oublier que l'assurance s'est développée sur la base du syndicat Solidarité qui a créé le mouvement de coopérative »
Le marché mutualiste doit faire sa place alors que le régime communiste a rendu les Polonais sceptiques devant tout ce qui peut avoir un caractère collectif.
Jan Grzegorz Pradzynski, président de la Chambre polonaise d'assurance
Une forte tradition mutualiste
En réalité, la tradition des assurances solidaires en Pologne est même très ancienne, puisqu'elle remonte au Moyen Âge. Par la suite, diverses institutions mutualistes se sont développées, notamment en 1860, année qui marque la création de la première société d'assurances solidaires, dont les mutuelles polonaises sont aujourd'hui les héritières. Leur force historique tient à ce qu'avant-guerre elles étaient 37, contre 23 sociétés d'assurances. À noter qu'à l'époque, PZU - aujourd'hui numéro un avec 40% du marché en non-vie - était une société d'origine mutualiste, même si, en 1945, le pouvoir communiste avait instauré un monopole d'État sur les assurances et a nationalisé PZU.
De la chute du Mur à 1991, le marché s'est développé rapidement, boosté en 2004 par une taxe de 19% sur les revenus des capitaux venue modifier le marché : exemptés de cette taxe, les produits vie connaissent une importante croissance, pesant 56% du marché de l'assurance aujourd'hui, contre 34% en Europe.
« La Pologne offre un fort potentiel de croissance. Les produits de retraite sont considérés comme très insuffisamment représentés, mais il faut tenir compte de la différence culturelle, notamment de l'état d'esprit des jeunes qui ne pensent pas au long terme », relève Philippe Saffray, président du directoire de Macif Zycie TUW. Arrivée en 2003, la Macif poursuit quant à elle son développement après avoir modifié sa ligne stratégique. Avec 400 intermédiaires non exclusifs, un accord avec les réseaux bancaires, et une quarantaine de salariés, elle est maintenant spécialisée sur la prévoyance (prêt, décès, hospitalisation lourde). « Nous avons enregistré une croissance du chiffre d'affaires de 25% ces dernières années », s'enorgueillit Philippe Saffray, rappelant que des opportunités sont générées par un État qui se désengage de beaucoup de secteurs. Et tandis que la pénétration de la prévoyance en Europe est de 8,2%, elle n'est que de 3,8% en Pologne. « Il faut que le gouvernement nous aide sur ce point. Il faudrait, par exemple, des avantages fiscaux », insiste Jan Grzegorz Pradzynski.
Le marché de l'assurance polonaise reste encore dominé par l'assurance auto (RC et tous risques), qui représente à elle seule 60% des cotisations encaissées. Par ailleurs, comme en France, la Pologne a vu les indemnités corporelles exploser. La réglementation, de plus en plus favorable aux assurés, a accompagné ce mouvement.
Sur la voie du redressement
Mais la Pologne devrait connaître un tournant. En effet, jusqu'en 2010, « elle a été un terrain de guerre des tarifs. Beaucoup d'assureurs sont arrivés et ont cassé les prix pour gagner des parts de marché, À un moment donné, les tarifs au tiers étaient même les plus bas de l'Europe », détaille Jan Grzegorz Pradzynski. L'année 2010 a été marquée par le résultat de cette politique à perte, et par de forts sinistres automobiles. « C'est ainsi qu'en 2011, les tarifs ont augmenté de 15% par rapport à 2010 », précise le président de PIU.
Parmi les acteurs qui se sont installés en Pologne récemment, Groupama a ouvert, en 2010, une succursale nommée Proama afin de développer l'assurance dommages individuels, à travers un réseau d'agents non exclusifs, son site Internet et un centre d'appels. La première police a été vendue à la fin 2011. Mais tandis qu'il était prévu d'étendre la gamme de produits en 2012, le groupe mutualiste français a annoncé son intention de vendre. « Ils ont cassé les prix en arrivant sur le marché, ils ont fait des remises incroyables, parfois jusqu'à 70% pour un bon conducteur », précise un spécialiste.
AGNIESZKA RÓZGA, DIRECTRICE DE TUW-TUW
« Nous enregistrons une croissance de 25% par an »
- Dans quel contexte est né Tuw-Tuw ?
Tuw-Tuw a été créée en 1992, après la chute du régime communiste et la libéralisation du marché de l'assurance. Elle est la première assurance mutualiste de l'après-guerre. Des collectivités locales, des banques coopératives et Euresa Holding ont participé à sa création.
- Quels sont vos produits ?
Il s'agit de produits d'assurance dommages (particulier et collectif), distribués par nos 23 bureaux régionaux et nos 1 500 intermédiaires d'assurances (agents exclusifs et courtiers).
- Quelles sont vos perspectives ?
Notre offre s'adresse à tous, principalement aux agriculteurs, aux corporations professionnelles, aux collectivités locales et aux milieux ecclésiastiques. Avec 25% de croissance par an, notre progression dépasse la moyenne du marché. Les mentalités progressent, et notre potentiel de développement est énorme, d'autant que le niveau de cotisation moyen est plus bas que dans les autres pays européens. Nous ne ciblons donc que la Pologne pour l'instant, avec comme objectif de participer activement à la création d'une économie sociale solidaire.
* TUW TUW est la plus importante société mutualiste de Pologne aujourd'hui.
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