Les spécialistes photo malmenés par le numérique

Le boom de la photographie numérique a détourné les clients les enseignes de photo. Les spécialistes du tirage, comme PhotoService ou Fnac Photo, sont les premiers touchés. Bien que moins exposés, les Phox, Camara et autres Shop Photo doivent également se repositionner.
Partager

Photo Service survivra-t-il à la révolution numérique ? Depuis quelques mois, les rumeurs les plus diverses courent sur cette enseigne star des années 90. Du dépôt de bilan au rachat par un hypothétique opérateur téléphonique en passant par la reprise par Michaël Likierman. Cofondateur de l'entreprise, ce dernier a conservé une participation très minoritaire et un siège au conseil d'administration de Photo Europe, la maison mère des chaînes Photo Service et Photo Station, aujourd'hui détenue par le fonds d'investissement Cinven. « Le marché de la photo est en profonde mutation, et Photo Europe est d'autant plus vulnérable que son rachat par Cinven [au groupe GrandVision, NDLR], il y a quatre ans, a été financé par endettement, explique Michaël Likierman à LSA. Même si aujourd'hui les deux tiers de la dette contractée à l'époque, d'environ 280 millions d'euros, sont remboursés, il est exact que la société cherche des solutions, sous forme de réorganisation ou autre. »

Un véritable raz de marée

Spécialiste du développement en une heure, Photo Service est directement frappé par le boom de la photo numérique, qui a détourné les amateurs des magasins de photo. À quoi bon, quand on peut visualiser ses photos sur d'autres supports, à commencer par l'écran LCD de l'appareil, les tirer sur papier argentique ? En moins de cinq ans, la filière photo, qui représente un chiffre d'affaires TTC de 4 milliards d'euros en France, a ainsi été balayée par un véritable raz de marée numérique. Malgré la spectaculaire hausse du nombre d'impressions numériques (de 3 milliards en 2003 à 7,7 milliards prévus en 2005), le nombre total d'impressions, argentique compris, décline : 25,7 milliards attendus cette année, contre 30,2 milliards en 2000. « Nous avons connu une explosion de l'impression photo à domicile, au détriment du développement en laboratoires, tandis que le marché des pellicules a cédé la place à celui des cartes-mémoire », décrit Pascal Vermeersch, directeur général de Fnac Photo. L'enseigne de travaux photo de la Fnac (ex-Fnac Service) s'est résolue à fermer 17 magasins déficitaires, sur un total de 95 (non compris 20 franchisés), d'ici à la fin 2005. Conséquence, 67 postes seront supprimés sur un effectif total de 330 personnes. Leurs titulaires se verront proposer des reclassements à l'intérieur du groupe Fnac. Et si le marché l'exige, « nous pourrions envisager d'autres fermetures en 2006 », admet Pascal Vermeersch. De source syndicale, une dizaine de magasins supplémentaires pourraient être concernés (soit 35 postes).

« 1 000 magasins fermés chaque année »

On aurait pu penser que cette Berezina épargnerait les enseignes qui, comme Phox, Camara ou Foci, équilibrent leurs ventes entre travaux photo amateurs, travaux professionnels et matériel. En fait, ceux-ci sont pris en tenailles. « Le nombre de tirages photo (70 % de la marge) a baissé de 30 %, tandis que la marge sur le matériel s'effondre : de 40 % sur un appareil argentique, elle est tombée à 20 % sur un numérique », énonçait Jean-Émile Rosenblum, directeur général de Fotovista, maison mère de Foci, lors de la convention d'affaires du groupe en février. Conséquence, selon ce dernier, « il se ferme 1 000 magasins de photo par an en France ». Foci, qui a recruté des adhérents à tours de bras depuis sa reprise à la barre du tribunal de commerce en 2001, fédère aujourd'hui 300 points de vente, dont 50 à l'enseigne. Mais la société se prépare à concentrer son parc sur les plus gros (plus de 300 000 E de chiffre d'affaires annuel).

Ses concurrents Phox (qui a réalisé un chiffre d'affaires de 305 millions d'euros en 2004) et Camara (70 millions d'euros) affirment avoir stabilisé leurs réseaux, autour de 500 unités pour le premier, de 230 pour le second, qui en a comptées jusqu'à 267 à son apogée. Le déclin pourrait toucher à sa fin. « Nous sortons à peine d'une purge de deux ans et demi », estime Francis Dupas, PDG de Camara, tandis que Jean-Émile Rosenblum affirme que « ceux qui résisteront dans les dix-huit pro- chains mois auront de belles années devant eux ». Ce regain d'optimisme tient à deux raisons. Les tirages photo, constate Pascal Vermeersch, « redeviennent significatifs en volume » et, surtout, il y a le précédent des États-Unis, « qui prouve que la photo papier n'est pas condamnée et que les consommateurs s'orientent à nouveau vers les magasins pour obtenir leurs tirages ». Outre-Atlantique, les magasins devraient en effet totaliser 40 % des tirages en 2005, contre 8 % en 2000, prévoit la Photo Marketing Association, qui regroupe les professionnels du secteur à travers le monde. Sur la même période, les impressions à domicile sont en régression de 90 % à 52 %, tandis que les sites internet stagnent à 8 % depuis 2003.

Mais la France n'en est pas encore là et, quoi qu'il arrive, les spécialistes photo n'échappent pas à la nécessité de s'adapter. Fnac Photo a commencé, dès 2002, à installer des bornes de lecture de cartes-mémoire, à diversifier son offre avec la vente d'appareils numériques et d'accessoires, et à jouer les synergies avec Fnac.com. Photo Station teste Photo Station numérique, un magasin doté de postes de développement en libre-service et d'une offre de 10 références d'appareils photo numériques (LSA n° 1910).

L'enseigne Phox, qui a repris l'initiative en communication au printemps - en insistant notamment sur le risque de perte ou de détérioration des fichiers numériques - a lancé Phox Pack, un CD-Rom permettant au client de gérer sur son PC ses albums numériques, de préparer et de commander par internet ses tirages photo ou ses albums imprimés, à retirer, bien sûr, en magasins. « C'est le socle d'une nouvelle stratégie marketing globale, annonce Christophe Leroux, nouveau président du directoire. Elle passera par l'installation de bornes de développement en libre-service en magasins, de nouveaux services comme les extensions de garantie et financements ainsi que la création d'une carte de fidélité à points, et débouchera, in fine, sur la mise en place d'un nouveau concept. » L'enjeu est de faire revenir les clients dans les magasins et de séduire la génération internet.

Shop Photo Vidéo a poussé cette volonté jusqu'au bout, et s'apprête à lancer une nouvelle enseigne en franchise, intoo. Avec un concept architectural imaginé par l'agence Design Day, intoo se veut « 100 % numérique » : elle proposera un service d'impression sur place en vingt minutes, des bornes d'impression et de retouches en libre-service, ainsi qu'une offre de matériels (10 références) et d'accessoires numériques, y compris des imprimantes domestiques. Trois magasins pilotes doivent ouvrir dans les prochaines semaines, dont un à Nîmes.

Intoo est en fait très complémentaire à Shop Photo Vidéo, une coopérative de 85 magasins qui réalisent 80 % de leurs ventes en matériel, avec un chiffre d'affaires moyen plutôt élevé pour la profession (800 000 E par an et par adhérent officiellement).

Accueil, prix, offre... les incontournables

Mais la piste du tout-numérique est également étudiée par Fotovista, qui planche sur un concept similaire de Foci Digital Center, complètement intégré à la logistique du groupe (qui exploite également le site internet marchand Pixmania). Ces initiatives laissent les concurrents dubitatifs. « Pour ma part, je préfère inciter mes adhérents à réinvestir dans les piliers du commerce que sont l'accueil, la compétence, les prix et les stocks, plutôt que de courir après de coûteux nouveaux concepts », commente l'un deux. Reste que les magasins photo de demain n'auront pas le même visage que ceux d'aujourd'hui. Comme en témoignent les 2 400 laboratoires d'impression en libre-service installés en France en 2004.

Sujets associés

LES ÉVÉNEMENTS

Tous les événements

Les formations LSA CONSO

Toutes les formations

LES SERVICES DE LSA CONSO

Trouvez les entreprises de la conso qui recrutent des talents

LHH Recruitment Solutions

Ingénieur Commercial Balances Electroniques IDF & Nord (h/f)

LHH Recruitment Solutions - 30/04/2024 - CDI - CERGY

+ 550 offres d’emploi

Tout voir
Proposé par
LSA

ARTICLES LES PLUS LUS